Sound of Metal

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 21 mai 2021

SUCCINCTEMENT.
Gêné un soir par des acouphènes, Ruben, musicien, apprend d’un médecin qu’il sera bientôt sourd.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Sur le torse nu de Ruben, batteur du duo Ruben/Lou, formant un couple éperdument amoureux hors de la scène, une phrase qui hante l’homme de la scène musicale constamment tout le long du film : « please kill me » (« de grâce, tuez-moi », comme si ces quelques mots tragiques étaient un plaidoyer pour le débarrasser de la fiction qui va le hanter.

Un bruit infernal devant une foule en délire et les bruits retentissants de la batterie évoquent en ce début trépident de Sound of Metal des battements de coeur, un organe intérieur qui bat à une vitesse extraordinaire.

Et puis le drame, Ruben va perdre l’ouïe, une des choses fondamentales de la vie et de son métier. Et puis, fin de la musique dont il est question, le grunge d’une époque, suivi par des fans d’une Amérique des banlieues, de petits et grands territoires. De bruit et de fureur.

Le premier long métrage de Darius Marder est une œuvre marquante, une carte de visite magnifique dont le contenu et le dénouement se conjuguent selon une philosophie de la vie tout à fait inattendue car elle se base sur l’imprévisible, un rendez-vous avec le corps, la physicalité devenue vulnérable, les rêves, les désirs, les intentions et les valeurs qu’on se donnent ne veulent plus rien savoir.

De bruits éphémères

et de silences éclatants

Après le documentaire inédit Loot (2008), Marder signe une œuvre de fiction sur la résilience, sur l’acceptation de tout changement dans nos vies, de la fin des rêves possibles, comme cette longue séquence de la fin où Ruben comprend totalement le vrai sens de ce qui lui arrive, résigné à changer sa vie. Rien n’est éternel. Tout change, tout se métamorphose. Et ce plan est d’une tristesse inimaginable. Comme peuvent l’être aussi certains films.

La temporalité de la vie devient ici celle également du plan, se dirigeant d’une situation à l’autre selon un rythme hallucinant. Des moments de pure merveille, dans le silence, dans les bruits évanescents, difformes, prenant des proportions qu’on distingue à peine, rendant l’expérience cinématographique extraordinairement riche et au-delà de nos attentes, on assiste à une certaine religiosité.

Et si la surdité n’était pas une maladie, mais une autre alternative au mode de communication?

Riz Ahmed, britannique d’origine pakistanaise est un acteur formidable. Il y a, dans son visage, son expression, son corps entier, sa démarche, quelque chose de messianique, une aura qui le place dans un contexte hors de la réalité et qui, tout le long d’un récit fondamentalement inusité, projette sur le spectateur une totale adhésion, de bonheur, d’ébahissement, de plénitude.

… cette morale, chez Marder, c’est celle surtout du plan, du cadre, des enchaînements que facilite le montage. Mais c’est surtout le travail au son de Nicholas Becker et de ses acolytes qui rendent ce film aussi stupéfiant que magnifique et touchant.

Les différents personnages, comme celui de Lou, campé par une Olivia Cooke versatile, circulent autour du personnage principal selon un extraordinaire sens de la complicité. Jamais film ne fut aussi proche de l’entraide, de la connivence entre êtres humains.

La surdité ou encore mieux faire la deuil d’un univers bruyant, et dans le même temps prendre conscience que la vie peut aussi être la scène de tous les autres possibles, de toutes ces alternatives qui nous changent au nom pas uniquement de la survie, mais d’une certaine morale, d’une éthique de vie. Et si la surdité n’était pas une maladie (comme le dit un des personnages du film), mais une autre alternative au mode de communication? Et cette morale, chez Marder, c’est celle surtout du plan, du cadre, des enchaînements que facilite le montage. Mais c’est surtout le travail au son de Nicholas Becker et de ses acolytes qui rendent ce film aussi stupéfiant que magnifique et touchant.

Et malgré ce silence, une physicalité qui octroie à Ahmed un attrait sensuel, une physicalité rare, intentionnellement abandonnée et peu exploité dans les rôles masculins au cinéma. Darius Marder se sert de l’acteur pour lui offrir, sans aucun doute, jusqu’à date, le plus beau rôle de sa carrière.

En attendant son rôle, non le moindre, celui dans Hamlet de Shakespeare, que le scénariste Michael Lesslie – à qui l’on doit, en 2015, la cosignature scénaristique du très beau Macbeth, de Justin Kurzel –  prépare, et dont on ne connaît pas encore le nom du ou de la cinéaste.

  FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Darius Marder

Scénario
Darius Marder
Abraham Marder
D’après une idée de Darius Marder
& de Derek Cianfrance

Direction photo
Daniël Bouquet

Montage
Mikel E.G. Nielsen

Musique
Nicolas Becker

Abraham Marder

Darius Marder & Riz Ahmed. Une pause de tournage.

Genre(s)
Drame musical

Origine(s)
États-Unis

Année : 2019 – Durée : 2 h

Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.f.

Le son du silence

Dist. [ Contact ] @
[ Pacific Northwest Pictures ]

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 13 ans

En salle(s) @
Dollar Cinéma
Cinéma Moderne
Avis : Salle à horaire irrégulier ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Aube dorée : Une affaire personnelle

I N É D I T

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Hellas, et non pas la Grèce. C’est intentionnel, viscéralement voulu. Car ce nom mythologique et poétique renvoie à une idée de la démocratie aujourd’hui éteinte, parce que le film d’Angélique Kourounis est un cri de désespoir, de douleur à la fois nostalgique et mélancolique d’une Grèce qui n’est plus, car elle s’est laissé pervertir par la nouvelle maladie du siècle: l’indifférence, comme un peu partout à travers le monde. Nous sommes dans le cycle des diabolisations, des nouveaux enjeux racistes, d’une droite nostalgique.

Grèce…

année zéroSuite

Éléonore

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 14 mai 2021

SUCCINCTEMENT
34 ans, toujours célibataire, Éléonore finit par accepter l’aide de sa famille pour lui trouver l’âme sœur, alors qu’elle ne cherche qu’à réussir dans l’édition.

CRITIQUE.

texte
Luc Chaput

★★ ½

Portrait en demi-teintes

d’une adulescente

Une jeune femme, nouvelle assistante dans une maison d’édition, a des problèmes dans l’utilisation de certains appareils. Éléonore a eu cet emploi avec l’aide de sa mère et de sa sœur aînée qui veulent recentrer sa vie.

Cette adulescente est interprétée par Nora Hamzawi, la sœur cadette du réalisateur. Connue pour ses spectacles comiques et comme chroniqueuse, elle a eu des apparitions remarquées au cinéma entre autres en tant que Valérie, la petite amie de l’écrivain Léonard (Vincent Macaigne) dans Doubles vies d’Olivier Assayas. Le personnage pensé par Amro Hamzawi est un peu lunatique dans ses rapports avec les choses et plus engoncé dans ses réflexions sur la société en général. Auprès de son patron éditeur, auquel André Marcon donne plusieurs subtiles teintes au cours du récit, Éléonore trouve, par un concours de circonstances, d’autres moyens de s’affirmer. Cela lui ouvre d’autres portes face aux diktats de sa famille.Suite

1 326 327 328 329 330 345