Succès un peu partout dans le monde pour ce spectacle, à l’origine, présenté off-Broadway, sans s’attendre à ce que son côté iconoclaste puisse atteindre un très large public.
Le Segal en a fait tout un plat, inaugurant la saison 2024-2025 dans la bonne humeur, supplantant pour ainsi dire les nombreux conflits politiques, les drames de Dame Nature et les « ismes » de toutes sortes. Résultat : une salle comble réagissant aux 18 chansons réunies pour le spectacle.
La mise en scène de Tye Blue refuse le traditionnel, l’approche conservatrice, préférant pourvoir le très beau et correspondant décor de Gabriel Hainer Evansohn et Grace Laubacher de quelque chose de magique, dans le sens le plus chaotique et spirituellement confus possible.Suite
RÉSUMÉ SUCCINCT Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d’avocate au service d’un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu’à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s’ouvre à elle.
COUP de ❤️ de la semaine
CRITIQUE Élie Castiel
★★★★ ½
Une femme
nommée
« désir »
Après l’émouvant Dheepanet le très abouti The Sisters Brothers, qui méritait un accueil encore plus favorable qu’obtenu, Jacques Audiard plonge à bras-le-corps (et le-cœur) dans la modernité à temps réel, au même temps que demeurant alerte aux principes de l’art de la mise en scène responsable, c’est-à-dire poser un regard investigateur sur divers genres traités au cinéma. Tel un maître qui réapprend les repères de sa profession.
Transgenre, queer, film de genre, comédie dramatique musicale, trafic de narcotiques, liens familiaux, camp, et encore, tout cela dans le fascinant Emilia Pérez, un mélange à l’air du temps où les minorités visibles sexuelles et marginales ne sont guère représentées à l’écran sous un jour démonisant. Et pourquoi pas ?
La mise en scène de Jacques Audiard, totale, rebelle, libre, subversive, décomplexée, se permet toutes sortes d’astuces, de fantaisies ; ses coscénaristes Thomas Bidegain et Léa Mysius, des experts dans le métier, ne lésinent pas dans les mots acerbes et du coup, émouvants de tendresse et d’affection ; l’humour est jaune, le mélodrame impose ses forces et ses faiblesses, les situations qui exaspèrent autant qu’elles nous font jubiler par leur intensité sont monnaie courante.
Une nouvelle interrelation qui pourrait devenir conflictuelle.
Ces moments inoubliables et éloquents permettent à un public fervent d’un certain Almodóvar de se régaler dans certaines séquences clé. Mais plus que tout, le jeune septuagénaire, fils du grand dialoguiste Michel A. n’a jamais paru aussi subversivement candide dans sa proposition. Il salue les nouveaux temps tout en les démolissant, s’assurant que c’est dans les bons endroits.
Il frôle parfois le grand guignolesque, se permet quelques passes de faux-semblants, expose ses grandes héroïnes, chacune d’elles chorégraphiant son propre style. Il les situe face-à-face non pas dans un match compétitif, mais à l’intérieur de champs/contrechamps apte à susciter ce reflexe narratif qui se nomme « qualité des dialogues ».
La caméra les filme avec une attention particulière, parfois les perdant de vue, ne serait-ce que pour nous donner un moment de répit. Et les hommes, bien entendu, présent, brutes et parfois très méchants ; Audiard ne les épargne pas, quitte à les démolir à sa façon.
Un film sombre, ensoleillé aussi, qui unit les paradoxes de ce qu’on raconte à l’écran, ces récits d’amour et d’opportunisme, de règles qu’on ne respecte plus, pour la réussite ou tout autre raison difficile à expliquer. En fait, ne serait-ce que pour la simple raison « d’exister ».
Une chose est certaine. Dans cet univers Audiardien, la normalité telle quelle n’est pas une option. Toutes les extravagances sont permises. Mais à condition que ces changements de vie se déroulent avec grâce et dignité, même si les conséquences peuvent s’avérer dramatiques.
Emilia Pérez est un film charnel, voluptueux, sensuel, érotiquement subversif, respire la sueur dans la peau, s’engage dans des chemins périlleux et raconte une et mille histoires qui, malgré leur complexité, finissent par ouvrir des horizons d’espoir, sans approche ringarde. Lumineuse plutôt face un 21e siècle déstabilisant. Et la partie musicale ne fait que souligner davantage la proposition.
Le prix cannois accordé à l’ensemble des comédiennes a évité le problème du favoritisme, puisqu’elles sont toutes formidables. Rien à dire sur ce plan. La Palme d’or, toujours à Cannes, est allé à Anora, Dans mon cas, j’aurais préféré qu’elle aille à l’Audiard. Pour ce dernier, un OFNI (Objet Filmique Non Identifié) se perdant dans un réalisme déconstruit, comme si du jour au lendemain, il fallait rebâtir le monde.
Une chose est certaine. Dans cet univers Audiardien, la normalité telle quelle n’est pas une option. Toutes les extravagances sont permises. Mais à condition que ces changements de vie se déroulent avec grâce et dignité, même si les conséquences peuvent s’avérer dramatiques.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE Réalisation Jacques Audiard
Scénario : Jacques Audiard, Thomas Bidegain, Nicolas Livecchi; d’après le roman, Écoute, de Boris Razon Direction photo : Paul Guilhaume Montage : Juliette Welfling Musique : Camille Clément Ducol
Genre(s) Drame musical Origine(s) France / Belgique Année : 2024 – Durée : 2 h 12 min Langue(s) V.o. : anglais, espagnol; s.-t.a. / s.-t.f. Emilia Pérez
RÉSUMÉ SUCCINCT L’histoire vraie de deux petits garçons de 5 et 7 ans qui, abandonnés par leur mère en 1948, s’enfuient dans la forêt. Ils vont y survivre pendant sept années et tisser un lien qui les unira à jamais.
CRITIQUE Élie Castiel
★★★
Dans les bois
Quelques courts, un inédit ici, Baby Phone (2017) et un premier vrai long métrage, à notre avis, maîtrisé, bénéficiant de la présence de deux comédiens français incontournables, tous deux bouleversants. Et ne pas oublier celles des deux gamins Michel (Victor Escoudé-Oury) et Patrice (Enzo Bonnet) à 5 et 7 ans; puis Viggo Ferreira-Redier (Miche) et Fernand Texier (Patrice) entre 12 et 14 ans.
Mais c’est Yvan Attal et Mathieu Kassovitz qui s’emploient à illuminer l’écran, témoignant du passage du temps, de leur propre temporalité, des conséquences diverses d’une jeunesse parsemée par la vie.
Il y a, dans la réalisation de Casas, la création de divers univers, celui de la fin des années 40, après les évènements de la Seconde Guerre mondiale et le présent quelques années plus tard.
Une sorte de pacte avec l’irréversible.
Deux frères inséparables qui vivent, dans leur âge de préadolescence une aventure quasi-jules-vernienne à la Robinson Crusoé, où une tente en pleine forêt perdue et leurs comportements constituent le lieu ressemblant à une île éloignée en plein océan. Dommage que l’on n’apprenne pas comment les deux protagonistes sont arrivés à refaire leur vie.
Mais c’est surtout le récit d’un abandon, de rejet de la responsabilité maternelle, d’une destitution de la continuité. Ce n’est que des années après leur errance dans la forêt que leur mère a décidé de les reprendre.
Une trajectoire dramatique bouleversante qui évite le pathos grâce au jeu prenant de tous les interprètes, choisis non pas par hasard. Les conséquences de cette aventure, les deux frères devenus adultes, auront des répercussions
Et peut-être bien que c’est la sincérité de Casas et des principaux interprètes qui importent le plus dans cette histoire. Inusité et en même temps, édifiant.
Entre une jeunesse errante et une maturité marqué par le souvenir, deux univers qui s’entrechoquent grâce à une mise en scène alerte et des comédiens qui ont parfaitement saisis les enjeux de la proposition.
Pourtant, dans l’ensemble, ça ne va pas plus loin, la mise en scène, en général, imposant un certain relâchement et une froideur qui peut sans doute s’expliquer par cet état d’esprit venu de l’enfance, encore ancré dans la mémoire des deux protagonistes dont il est question.
Et peut-être bien que c’est la sincérité de Casas et des principaux interprètes qui importent le plus dans cette histoire. Inusité et en même temps, édifiant.
Scénario : Olivier Casas, avec la collaboration d’Olivier Adam; d’après une idée de Michel Robert Direction photo : Magali Silvestre de Sacy Montage : Charlotte Martin-Favier Musique : Oliver Casas, Simon Casas, Cyril Maurin
Genre(s) Drame Origine(s) France Année : 2024 – Durée : 1 h 45 min Langue(s) V.o. : français Frères