Les herbes sèches

PRIMEUR
Sortie prévue
Vendredi 8 mars 2024

RÉSUMÉ SUCCINCT.
En Anatolie orientale, trois enseignants sont confrontés à divers problèmes.

 

Le FILM
de la semaine

CRITIQUE
Luc Chaput

★ ★ ★ ★

 

Dans l’hiver de l’espoir

Dans une classe d’une école secondaire de l’extrême est de la Turquie, un contrôle par la direction des sacs des étudiants permet de découvrir des instruments de beauté et des effets personnels.

Le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan explore depuis longtemps, dans ses films primés souvent à Cannes, les relations entre les campagnes et les grandes villes plaçant ses personnages dans des récits dont il revendique l’influence des grands auteurs russes. Samet, un professeur trentenaire voudrait quitter ce village d’Anatolie où il œuvre depuis quatre ans comme professeur de dessin et titulaire d’une classe.

Le contrôle décrit en ouverture entraîne des conséquences inattendues qui changent les rapports entre plusieurs collègues dont Kenan, le colocataire et avec Sevim, une élève plus brillante. Le scénario du cinéaste, d’Ebru son épouse et d’Akın Aksu trouve sa source dans le journal de ce dernier qui fut auparavant enseignant. Il présente dans les premières séquences maints  individus dont certains auront une importance ultérieure. Cela permet au cinéaste de déployer  son sens du lieu et de traiter sans que cela ne paraisse pas trop, de la place des militaires dans la région, du peuple kurde, de l’autoritarisme et de l’importance des traditions dans ces régions excentrées.

Des rapports intellectuels qui cachent des aspirations affectives.

La mise en scène de Ceylan embrasse à bras-le-corps les étendues enneigées et l’effet du froid et du vent sur les êtres. Des photographies prises par Samet en viennent ponctuer le cours. La cinématographie de Kürşat Üresin et Cevahir Şahin est également pointue dans les scènes à deux ou trois interlocuteurs, dans des intérieurs souvent restreints dans lesquels les échanges autour d’une carafe de thé ou d’une bouteille de vin prennent des tangentes imprévues. 

Cette ample chronique de plus de trois heures déploie lentement ses volutes sur la transmission des connaissances, les affinités électives, les beautés inattendues et les civilisations qui évoluent ou qui meurent.

Nous sommes ici en compagnie d’intellectuels qui réfléchissent à voix haute dans des discussions  renouvelées. Le point culminant se situe entre Samet et Nuray dans l’appartement de cette dernière. La mise en place par l’apport des dessins de celle-ci introduit une relation égalitaire dans laquelle la jeune professeure d’anglais tente de découvrir la fibre morale de cet homme. Les cadrages en champ-contrechamp diversifiés enserrent les deux amis et attirent l’attention du spectateur sur ces propos sur l’engagement, l’égoïsme et la fatigue de l’espoir. Une sortie du cadre désarçonnante s’en suit.

Merve Dizdar a remporté avec raison le Prix d’interprétation à Cannes pour ce portrait d’une femme libre et meurtrie dans sa chair. Deniz Celiloğlu fait jeu égal avec elle dans ce moment comme tout au long de ce long voyage au bout de l’année scolaire dans lequel on se doit de signaler également le talent de Musab Ekici en Kenan et de la jeune Ece Bağcı.

Cette ample chronique de plus de trois heures déploie lentement ses volutes sur la transmission des connaissances, les affinités électives, les beautés inattendues et les civilisations qui évoluent ou qui meurent.

 

Suite

Sucré Seize

PRIMEUR
Sortie prévue
Vendredi 8 mars 2024

RÉSUMÉ SUCCINCT.
Quelques jeunes filles, 16 ans, se livrent à des monologues ou discussions autour de leur vécu, abordant des thèmes audacieux à cette branche d’âge.

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★ ½

L’écume de l’âge

Quelques jeunes filles, 16 ans, réunies ou séparées selon les circonstances, une idée Suzie Bastien qui évoque peut-être le mythe du « Sweet Sixteen » que les latino-américains désignent par « quinceañera », autrement dit, atteindre les 15 ans et le début de la maturité. Pour la gente masculine, dans les deux cas, aucun équivalent… mais bon, là n’est pas la question.

Chacune son tour, elles parlent d’amitié, d’amour, de rêves, de limites, d’interdits (comme l’inceste ou autres désordres) ; de nos jours, c’est bien de leur âge, entre la fin de l’adolescence et le début de la maturité. Et par les temps qui courent, en accéléré, comme si elles avaient déjà tout découvert. C’est dû aux temps nouveaux.

Elles parlent souvent d’Internet, de réseaux sociaux, de sexe et de sexualité (ce n’est pas tout à fait la même chose), et sur l’attachement au masculin, à son esprit, son corps, des étapes nécessaires pour une relation durable. C’est ainsi depuis le début des relations affectives. L’une d’elles pense souvent à un certain Amir (peut-être que je me trompe dans le prénom). Ce n’est pas si grave. Elle en rêve. Et lui ?

Dans la nature, une innocence sans protection.

À l’origine, c’est la pièce de Suzie Bastien, ce beau moment théâtral que s’approprie Alexa-Jeanne Dubé, quelques courts, collaboration à la mise en scène de la mini-série Drabes (2016) et ce premier long métrage, à la limite du moyen, qui manifeste un soin apporté à l’approche subjective et une prédilection pour la forme, au détriment parfois de l’écrit, où les redondances abondent.
Dubé est tout à fait consciente de ses sujets, des choses qui les concernent. La caméra d’Emili (parfois Émilie) Mercier et le montage d’Emma Bertin participent de cet étrange jeu de correspondances entre les récits individuels et les collectifs. Elles sont toutes de la génération « elle/she – elle/her » et ne s’identifient pas à la nouvelle tendance multi-identitaire. C’est comme ça, un choix éditorial de la part de Dubé.

Alexa-Jeanne Dubé privilégie la délectation innocente du désir plutôt que l’érotisme. Elle est sage, affirme sa prédilection pour le bon goût et, mine de rien, conduit ce groupe de « chums de fille » attachant bien particulier vers des lendemains de tous les possibles.

Elles sont toutes fortes et vulnérables à la fois. Elles s’affirment l’une et l’autre pour suivre le cours de la mise en scène. Séparées, une plus grande affectation, un regard à la caméra où tricher est impossible ou ça se verrait trop.
Cette écume de l’âge, véritable ressac de l’évolution des étapes de la vie dans le cas de Sucré Seize, se manifeste par un lieu unique et privilégié, une nature neutre où le vert et le bruit des feuilles et la limpidité d’une quelconque rivière peut signifier un tas de choses. Comme respirer l’air frais ou nager dans l’abandon de son corps et de ses sens. Ou se maquille à outrance dans un jeu sensuel entre l’air qu’on respire et le corps qui se déploie.

Alexa-Jeanne Dubé privilégie la délectation innocente du désir plutôt que l’érotisme. Elle est sage, affirme sa prédilection pour le bon goût et, mine de rien, conduit ce groupe de « chums de fille » attachant bien particulier vers des lendemains de tous les possibles.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation

Alexa-Jeanne Dubé

Scénario : Suzie Bastien (idée originale) | Direction photo : Emili Mercier | Montage : Emma Bertin | Musique : Guillaume Bourque, Éric Shaw.

Alexa-Jeanne Dubé

Genre(s)
Essai
Origine(s)
Canada [Québec]
Année : 2023 – Durée : 1 h 06 min
Langue(s)
V.o. : français ; s.-t.a.

Sweet Sixteen

Dist. [ Contact ] @
h264
[ Théâtre de l’Opsis ]

Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cinémathèque québécoise
[ Cinéma Moderne  / Cinéma Public ]

Classement
Visa GÉNÉRAL

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Si seulement… peut-être…

| court
métrage |

 

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★

L’absence

apprivoisée

Anne Kmetyko

Elle est née à Montréal, revendique ses origines hongroises. Ses études de cinéma et de journalisme la lancent, entre autres, dans la réalisation. C’est bien le cursus d’un nombre de nouveaux cinéastes, de souche ou de la diversité. Sur ce point, devrions-nous encore dire de la « pluralité », comme s’il s’agissait d’une blessure à cicatriser? La réponse à cette question est évidente, même si dans le quotidien, l’inclusion ne se manifeste pas comme elle le devrait, ou presque, notamment ici.Suite

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