L’une des drag queens parmi les plus originales, de celles qui dépassent le simple acte du genre cabaret spécialisé. Déjà le nom, Pearle Harbour, convoque le politique, le balistique, le conflit, si chers à nos temps présents. Le spectacle, Agit-Pop!, est sujet à toutes sortes d’interprétation. Il est même question, du moins ce soir de Première médiatique, d’un petit cours sur la définition du terme, un peu long peut-être.Suite
RÉSUMÉ SUCCINCT. Après la mort de sa belle-sœur dans un accident de moto à Saigon, Thiên se voit confier la tâche de ramener son corps dans leur village natal, accompagné de son neveu de 5 ans, Dao, qui a miraculeusement survécu à l’accident.
COUP de ❤️ de la semaine
CRITIQUE Élie Castiel
★★★★ ½
Le regard de Thiên
Thiên, le personnage central, admirablement incarné par Le Phong Vu, retient tout au long du film – sauf dans les séquences au salon de massage et celle du baiser qui nous paraissent quasi incongrues avec le reste du film – une distance physique et dans le même temps stoïque, plus spirituelle que terrestre. C’est dans l’expression du visage, dans ses gestes contrôlés qui frôlent l’abandon corporel que Thiên se comporte au village. La grande ville ne répond plus à ce qu’il ressent dans ce lieu qui se montre insensible au passage du temps.
Il y a, chez ce protagoniste, un fort repli sur soi, bien qu’ayant séjourné pendant longtemps à Saigon, dans un sens, la ville de tous les possibles. Serait-ce le retour à son village natal qui ne semble pas avoir traversé le temps.
Il ne reste alors que le regard qu’on y porte. Car L’arbre aux papillons d’or (titre du film en français) est surtout un essai esthétique sur l’image, le plan-séquence, ici, du moins, cette continuité qui ne brise jamais le sens véritable de ce qu’on tente de montrer.
Pour Thiên, il s’agit bel et bien, justement, d’une question de regard, comme dans certains film du regretté Theo Angelopoulos, quelque chose d’abscons que son contraire, la luminosité, aurait eu tendance à renverser les véritables intentions du cinéaste.
Le personnage est étroitement lié avec l’auteur scénariste, dans sa démarche, l’incontinuité d’un anti-récit malgré les apparences, la possibilité de donner au médium-cinéma son véritable engagement artistique, sa supériorité dans le monde de la culture.
Paysage dans le brouillard.
Pour le jeune cinéaste vietnamien, dont c’est ici un premier long métrage remarquable, de ceux qu’on croyait avoir perdus de vue et qui ne s’affichent que rarement, c’est aussi la suspension qu’on se permet avec l’espace et le temps, quelque chose d’inexplicable que seules les images (particulièrement en mouvement) peuvent exprimer.
Sur ce point, on assiste souvent ici à la notion de la « suspension de l’incrédulité » (suspension of disbelief). Après un début à Saigon qui s’achève avec « l’accident », un début de film tout à fait anodin, anecdotique, au village, nous sommes portés à accepter ce qui nous désoriente. Notre zone de confort est ainsi bousculée, le cinéaste nous sommant de collaborer à cet exercice de style des plus épatants.
Jeter les balises sur les évènements du film serait trahir la découverte de la part des spectateurs. Déjà, et ce n’est qu’une première tentative, Thiên Ânh Pham endosse la durée – trois heures de projection – aucune tentative de la réduire, car c’est avant tout dans la contemplation que se résume cet Arbre aux papillons d’or.
Si d’une part, Pham semble croyant, cette foi n’est pas celle issue d’un quelconque rassemblement organisé, mais issue d’une force intérieure qu’il manifeste notamment par les images en mouvement. Ici, un rituel où les dieux pourraient faire partie des vivants.
Encore une fois, comme chez Angelopoulos et, pourquoi pas, Apichatpong Weerasethakul. De ce dernier, Pham retient le mouvement, l’effet magique, l’effet gigogne, comme des poupées russes qui établissent l’ordre des grandeurs. Nous sommes les témoins d’un paysage vietnamien aussi luxuriant que mythique, reconstruit par soi-même après le célèbre conflit avec une Amérique, aujourd’hui, repentie.
Si d’une part, Pham semble croyant, cette foi n’est pas celle issue d’un quelconque rassemblement organisé, mais issue d’une force intérieure qu’il manifeste notamment par les images en mouvement. Ici, un rituel où les dieux pourraient faire partie des vivants.
Et cette séquence finale magique, au bord d’une rivière, où Thiên arrive finalement à concilier le monde terrestre à celui de l’esprit.
Scénario Thiên Âhn Pham Direction photo Din Duy Hung Montage Thiên Âhn Pham Musique Schubert, Mauro Giuliani Chansons locales
Thiên Âhn Pham
Genre(s) Drame contemplatif Origine(s) Viêtnam / France Singapour / Espagne Année : 2023 – Durée : 1 h 38 min Langue(s) V.o. : vietnamien; s.-t.f. ou s.-t.a. L’arbre aux papillons d’or
Bên trong va jén vàng
RÉSUMÉ SUCCINCT. Les vicissitudes d’une jeune femme peule à la suite d’une attaque d’un groupe islamiste.
CRITIQUE Luc Chaput ★★ ½
Une traversée
combative du désert
Au début d’une réunion des dirigeants d’un village du Sahel, une femme intervient et leur dit ses quatre vérités concernant l’impréparation face aux groupes terroristes.
L’irruption de Daech et d’autres groupes islamistes depuis le début de ce siècle a été reflétée et analysée dans plusieurs films de fiction (Timbuktu) ou documentaires (Rojek). La réalisatrice burkinabé Apolline Traoré en donne ici un autre regard en se concentrant sur la vie de Sira, jeune femme peule musulmane allant avec sa famille dans la région dans laquelle vit son fiancé chrétien. La cinématographie de Nicolas Berteyac embrasse en cinémascope les grands espaces qui entourent cette caravane. L’irruption soudaine de camions portant des hommes armés change complètement la donne et Sira (la première fille) est amenée de force.
Un instinct de survie guerrier.
Le calvaire de la jeune femme, seule dans ce désert, assoiffée, meurtrie dans ses chairs et son esprit est illustré avec aplomb. L’héroïne trouve finalement refuge dans une petite grotte pas très éloignée d’un camp des mêmes terroristes. Le scénario de la réalisatrice multiplie alors les archétypes chez ces antagonistes. Une représentation de l’esclavagisme de jeunes filles capturées est mieux menée et permet à Sira d’espérer retrouver une sororité souterraine par la force des choses.
Toutefois le récit se perd en longueurs exprimées par des marqueurs de plus en plus patents. Les recherches entreprises par le fiancé se compliquent également dans un environnement difficile dans lequel la moindre erreur pourrait être fatale.
La dernière partie, mise en scène avec un certain talent, a une conclusion cathartique prévisible. Malheureusement, les soubresauts de l’intrigue réduisent la portée de cet hommage voulu à cette Agodjie (amazone) inattendue, symbole de la grandeur quotidienne de ses sœurs plus anonymes.
Nafissatou Cissé, dans le rôle-titre, montre de belles qualités avec des passages plus faibles étant donné la lourdeur de la tâche. La plupart des acteurs masculins peinent à tirer leur épingle du jeu. Seul le comédien ivoirien Ildevert Meda rend aisément préhensible l’attitude du vieux soldat qui en a trop vu.
La dernière partie, mise en scène avec un certain talent, a une conclusion cathartique prévisible. Malheureusement, les soubresauts de l’intrigue réduisent la portée de cet hommage voulu à cette Agodjie (amazone) inattendue, symbole de la grandeur quotidienne de ses sœurs plus anonymes.