The Smashing Pumpkins :
L’unité mise en pièces

POUR VOTRE AGRÉMENT

RECENSION.
[ Essai-Musique ]

★★★★

texte
Élie Castiel

Une obsession partagée, une histoire qu’il lui fallait raconter, un rapport à l’art musical populaire des années 90, celui du rock, du heavy metal et de toutes ces sonorités où on définit mal les paroles à moins d’y être accro, comme dans les airs d’opéra dont on saisit les mots à mesure qu’on s’y adapte. Le contraire de ces airs chantés par un Aznavour, Brassens, Brel, Gainsbourg ou autres chantres de la pop, eux (et elles aussi, Piaf, Dalida, Faithfull…) où le romantisme et le poétique s’assemblent au quotidien : amourettes, passions, ruptures, émerveillements…

   Un nom de groupe, les Smashing Pumpkins, un nom enfantin, comme des gamins ou jeunes adolescents qui décident d’écraser des citrouilles, comme ça, pour déconner, sans conséquences, conscients de leur acte. Mais pour Billy Corgan, tête pensante du groupe, un retour freudien à une enfance marquée où père et mère constituent des problèmes (obstacles?) qui situent le jeune William Patrick (son vrai prénom) dans une situation de totale remise en question. La musique, porte d’accès au nirvana, lieu où les contraintes de la vie sont relayées au rang des oubliettes.

Le chiffre « Un »

… du zéro à l’infini

… l’auteur, entre autres, d’un ouvrage sur Marianne Faithfull (Marianne Faithfull : Un condensé de l’histoire, 2018) se plaît à identifier les mythes fondateurs dans la trajectoire artistique de l’ensemble musical. Billy Corgan demeure sa principale cible; non pas une victime, mais le subterfuge inversé d’un rapprochement moral, pourquoi pas profondément amical, par le biais d’une correspondance intellectuelle tout à fait honorable.

   Pour en arriver, un intérêt pour le sacré, non pas le mélodramatique, mais celui qui questionne la foi. La tradition judéo-chrétienne est mise de l’avant par Michel Arouimi, lançant autant de défis aux lecteurs que de significations aux chansons du célèbre groupe.

  Corgan s’intéresse à la littérature. Il privilégie, par exemple, Melville et Rimbaud, ces auteurs qui basculent la pensée de par leurs choix esthétiques et narratifs. Corgan est un être déchiré; il en est conscient car c’est par la souffrance, le mal à l’âme et la déchirure qu’on arrive à vraiment créer.

   Tout se concrétise aussi dans le choix des pochettes autant pour les 33 que pour les CD. Peinture, alchimie, sorcellerie (?), érotisme, religion, rapport au Christ, humain terrestre, univers animalier, tous ces ingrédients existentiels s’unissent pour former un tout cohérent. Cohérent bien sûr aux yeux des créateurs, mais aussi dans la pensée de Corgan (et des membres du groupe), atteint parfois d’un état de totale euphorie.

   Arouimi ne décortique pas seulement les chansons; les pochettes de disques sont également auscultées à la loupe. Rien n’est laissé au hasard; au contraire, entre la présentation et la représentation, une sorte de rapport explicite, un jeu de correspondances que certains fans du groupe pourraient, malgré tout, ne pas comprendre, trop pris par la musique dont il est question.

   Mais peu importe, l’auteur, entre autres, d’un ouvrage sur Marianne Faithfull (Marianne Faithfull : Un condensé de l’histoire, 2018) se plaît à identifier les mythes fondateurs dans la trajectoire artistique de l’ensemble musical. Billy Corgan demeure sa principale cible; non pas une victime, mais le subterfuge inversé d’un rapprochement moral, pourquoi pas profondément amical, par le biais d’une correspondance intellectuelle tout à fait honorable.

   En fin de compte, Arouimi cède à la tentation de dédier un fascinant chapitre à James Hia, un des membres du groupe, tête rebelle de par sa personnalité, ses quelques sautes d’humeur et ses multiples ruptures, sans doute aussi ses origines (né en Amérique, mais de parents japonais). Cet épisode, « James en solo », est le dernier dans le livre, émouvant, troublant même, s’annonçant comme une cassure radicale, voire même préméditée, au reste de l’histoire, celle de Billy Corgan, qui défend toujours sa cause malgré la montée fulgurante, nouvelles générations obligent, d’autres groupes radicaux.

   Comme dans la plupart de ses ouvrages, Michel Arouimi a recours à la notion du double-bind, en principe, irréconciliable, source de litiges, d’incompréhensions. Mais en d’autres mots, celle aussi du Nombre, symbole qui permet de compter… jusqu’à l’infini. Une histoire sans fin.

Le reste, c’est à vous de la découvrir. Éclectique, jouissif, intransigeant, subversivement fascinant.

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]