Twist à Bamako

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 08 avril 2022

SUCCINCTEMENT.
1962. Le Mali goûte son indépendance fraîchement acquise et la jeunesse de Bamako danse des nuits entières sur le twist venu de France et d’Amérique. Samba vit corps et âme l’idéal révolutionnaire : il parcourt le pays pour expliquer aux paysans les vertus du socialisme.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Avant

la

révolution

Après le Marseille de l’inédit Gloria Mundi (2019), rien à voir avec celui de Nikos Papatakis (1976), Robert Guédiguian pose une fois encore sa caméra ailleurs, le Bamako des années 60, tourné au Sénégal, pour des raisons politiques évidentes.

Pour le film, fin de la colonisation française, mais ayant laissant chez la jeunesse éduquée locale un goût pour la langue française, pour les idées progressistes de l’Est et une culture pop importée de l’Occident. Mélange assez adroit, on prend ce qu’il y a de mieux, soit de la droite ou de la gauche. D’où ce titre ironique faisant référence à la transition entre la colonisation extérieure et celle, intérieure, émanant des nouvelles forces gouvernementales, corrompues, elles ayant retenu les mauvaises habitudes de leurs anciens « patrons »,

Les vertus du socialisme, la justice et la paix sociale, l’émancipation des masses, de la femme, la fin de toutes les corruptions. L’utopie, notion qui se perd depuis le début des civilisations. Finalement, un pays libre où le peuple pourra jouir des avancées du socialisme. Avec l’Est, encore la Guerre froide. Mais peu importe. La jeunesse rêve au royaume de tous les possibles.

Pour oublier les dérives de la colonisation.

Et entre quelques pirouettes où on libère la parole, tomber amoureux de la plus jolie fille. Pour Guédiguian, changement de ton, une petite histoire d’amour qu’on ressent avec les élans du cœur. Lui, l’amoureux transis ; elle, qui a fui un mariage forcé dans une société encore conservatrice (et qui le restera). Entre l’amour et la politique, choisir les deux. Car il y a la caméra de Pierre Milon (de l’intrigant Arthur Rambo, 2021) qui filme le rapprochement des corps avec une sensualité débordante, quasi chorégraphique. Elle encadre le plan en quelque chose de magique. Pour ensuite redescendre sur terre et faire face aux intrigues qui se jouent.

Mais chez Robert Guédiguian, l’œil persévérant d’un autre cinéma qui se laisse petit à petit remplacer. Celui du regard nostalgique, sorte de rempart contre le temps qui passe, reconstituer l’avant non seulement pour « raconter » l’Histoire, mais peut-être sans doute pour témoigner qu’on « a également été ».

Cette ‘recherche du temps perdu’, on la voit sourdre dans Twist à Bamako, à chaque tournant, à chaque conversation, à chaque mouvement de foule. Et Guédiguian rend hommage à ces cinéastes africains de l’âge d’or en tournant comme eux.

C’est ce qu’on ressent chez certains cinéastes de la génération baby-boom, entretenant avec le passé une étrange affection incestueuse, comme si sa fin inévitable signifiait une sorte de trahison.

Cette ‘recherche du temps perdu’, on la voit sourdre dans Twist à Bamako, à chaque tournant, à chaque conversation, à chaque mouvement de foule. Et Guédiguian rend hommage à ces cinéastes africains de l’âge d’or en tournant comme eux.

Un respect aussi pour tous protagonistes du film, inscrits dans des personnages qu’ils et elles comprennent car il s’agit de leurs compatriotes.

Et un couple épatant : Lara – la nouvelle venue Alice Da Luz dans un premier rôle flirtant entre sensualité et engagement sociopolitique ; lui, Samba Touré – rôle tenu par un Stéphane Bak époustouflant, entre la saveur candide des nouvelles amours, rare chez les hommes de cette époque, et particulièrement dans le continent africain, et la ferveur de l’engagement politique qui ordonne des comportements dépassant la simple masculinité.

 

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Robert Guédiguian

Scénario
Robert Guédiguian
Gilles Taurand

Direction photo
Pierre Milon

Montage
Bernard Sasia

Musique
Olivier Alarie
Johannes Malfatti

Robert Guédiguian.
Est-il encore possible de faire du cinéma engagé?

Genre(s)
Chronique socio-politique

Origine(s)
France / Canada

Sénégal

Année : 2021 – Durée : 2 h 09 min

Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.a.
Dancing the Twist in Bamako

Mali Twist

Dist. [ Contact ] @
MK2 | Mile End

Classement
Visa GÉNÉRAL

Diffusion @
Cinéma du Musée
Cinémathèque québécoise

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]