Un ennemi du peuple
CRITIQUE.
[ Scène ]
★★★
texte
Élie Castiel
Convictions
et
trahisons
Ce n’est plus le docteur Tomas Stockmann, mais la docteure Katrine Stockmann, telle que conçue dans cette libre adaptation de Sarah Berthiaume, mise en scène par Edith Patenaude. Force est de souligner que les nouvelles voix de la création théâtrale au Québec se conjuguent de plus en plus, ou du moins, essaient, au féminin. Une rareté si l’on en juge par ces quelques dernières années où les signes masculins dominaient.
Si la version-TNM transpose l’action à l’époque actuelle, bien que si à en juger par le décor et les costumes, les années 70 se font sentir, force est de souligner cette tendance (très québécoise) à déconstruire, à réanimer certains fantômes dramaturgiques du passé. On peut ou pas être d’accord, c’est une question de perception.
En quelques mots, vite dit : la docteure Stockmann – Ève Landry, à la voix puissante dans la première partie où il est parfois difficile de saisir ce qu’elle dit, gardant néanmoins une stature altière, mais réaliste; plus posée et combattante dans la deuxième – découvre que les eaux de la station thermale de son village sont contaminées. La suite, prévenir le public, au grand dam de son frère Peter (excellent Jean-Sébastien Ouellette), maire de la ville.
Nous éviterons de tout dire de cette magnifique pièce sur la dictature du pouvoir et le silence de la majorité, constituant la classe populiste et dont on parle si souvent de nos jours.
Qu’importe notre idéologie, nos idées sur la question. La mise en scène de Patenaude permet à l’assistance de découvrir deux expériences de mise en situation. Celle où le théâtre domine la scène et s’approprie ses droits, même si on peut émettre quelques réserves sur certaines choix scéniques; l’autre, une surprise de taille qu’on préfère ne pas vous dévoiler.
Pour Berthiaume et Patenaude, Un ennemi du peuple (plutôt « Une ennemie du peuple ») constitue leur baptême-TNM, entrant par la grande porte, toutes deux souveraines, tout à fait à l’aise avec ce qu’elles ont à proposer, confiantes, n’hésitant pas une seconde à remettre en question les codes de la langue, de l’horizontalité des scènes, les règles de la mise en scène linéaire.
La mise en scène de Patenaude permet à l’assistance de découvrir deux expériences de mise en situation. Celle où le théâtre domine la scène et s’approprie ses droits, même si on peut émettre quelques réserves sur certains choix scéniques; l’autre, une surprise de taille qu’on préfère ne pas vous dévoiler.
Le tout, au contraire, ressemble à un bric-à-brac d’idées sur le théâtre et la vie, sur l’expérience qui assemble et divise et qui, du coup, inspire. Un lieu où les préceptes de la dramaturgie se réinventent même s’ils ressemblent à un capharnaüm qui aurait du sens. On soulignera la partition musicale – peut-être un peu trop minimaliste par moments – de Josué Beaucage, sans doute donnant ce sentiment d’étrangeté à ce happening déclamatoire inusité.
La docteure Stockmann est la médecin-cheffe de l’établissement thermal, prisé par les visiteurs de l’extérieur, alimentant pour ainsi dire l’économie de cet endroit de villégiature. Elle agit par conviction. Les autres, même ses plus proches collaborateurs ont choisi la voie de la trahison. Pour leur propre confort? Pour se joindre à la majorité? Pour ne pas subir les foudres du pouvoir? « Une pour tous, tous pour personne. »Tel semble le mot d’ordre de cette œuvre ambitieuse.
Une question : Qu’en penserez Ibsen de tout cela?
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Henrik Ibsen
[ Titre original : En folkefiende ]
Adaptation
Sarah Berthiaume
Mise en scène
Édith Patenaude
Assistance à la mise en scène
Caroline Boucher-Boudreau
Décor
Odile Gamache
Costumes
Cynthia St-Gelais
Éclairages
Jean-François Labbé
Musique
Josué Beaucage
Production
TNM
Théâtre du Trident
Durée
2 h 15 min
[ Avec entracte ]
Diffusion @
Théâtre du nouveau monde
Jusqu’au 09 avril 2022
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]