Une histoire d’amour et de désir

P R I M E U R
[ En Salle ]
Sortie
Vendredi 17 juin 2022

SUCCINCTEMENT.
Ahmed, 18 ans, français d’origine algérienne, a grandi en banlieue parisienne. Sur les bancs de la fac, il rencontre Farah, une jeune Tunisienne pleine d’énergie fraîchement débarquée de Tunis dont il tombe amoureux.

Le FILM
de la semaine.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Française bien ancrée dans sa nouvelle culture, d’origine tunisienne, parents bourgeois tenant mordicus aux règles de la majorité, d’une certaine bienséance hypocrite, à certains codes moraux d’un autre temps, faussement ouverts d’esprit. Leur fille, Farah, bonne étudiante à la Sorbonne, où un cours de littérature situe les anciens écrits arabes en matière de sexualité et de poésie érotique. Farah rêve de cette liberté d’esprit, de ce rapport du corps matériel au physique, non pas par pur dévergondage, mais intellectualisant sa propre physicalité, la placer en rapport avec une pensée intellectuelle précise et libérée de toutes contraintes faussement morales. Comme un rejet du sexe comme expression naturelle.

Et puis Ahmed, lui, d’origine algérienne. Il arbore une timidité qu’il croit être qualité, une gêne qui ne s’explique pas, presque que de l’incrédulité; et pourtant, une envie sans doute virile de refuser de s’avouer vaincu même si, ou parce que face à une jeune femme de sa propre culture; et si les « amoureuses » intentions de la belle ne seraient pas en fin de compte un jeu de provocation?

L’initiation

Faire semblant de lire, pour se distraire de ce qu’on a dans la tête.

L’originalité du film de Leyla Bouzid, regard donc féminin, réside essentiellement dans la rectitude morale de Farah, convaincue par ses lectures, sa propre physicalité, son environnement extérieur à la maison, à une idée de la sexualité selon une approche occidentale. Ses racines signifient quelque chose, mais n’ont rien à voir avec son corps social et celui qui est sien. D’ailleurs, Bouzid tourne à l’occidental, ne se permettant que quelques brèves séquences où le choc des cultures se fait sentir.

Entre ce jeune couple qui paraît magnifiquement assorti – elle est splendide, un corps (impar)fait dégageant une sensualité affirmée; il est beau gosse, attrayant par sa timidité invitante. Un couple qui se forme, qui se défait, qui essaie de se réinventer. En classe, encore une fois, on lit un recueil (Le jardin parfumé) sur la sexualité dans le monde arabe et ses multiples possibilité et le débat est fort constructif, pour les unes et pour la plupart des uns.

Provocation bienvenue de la part de Bouzid, signataire de plusieurs courts et d’un premier long, À peine j’ouvre les yeux / Bialkad ‘aftah eayni (2015), inédit ici en salle, mais présenté au TIFF (Toronto). Hasard ou coïncidence, la jeune fille s’appelle là aussi Farah et a les mêmes cheveux frissés que la Farah de cette Histoire d’amour et de désir, comme si cette ouverture, malgré les obstacles, se transmettait petit à petit de génération de jeunes femmes modernes arabes en génération.

Un scénario risqué, deux comédiens exceptionnellement éloquents et venant de Leyla Bouzid, une tendresse envers le mélodrame familial qui se transforme, comme par magie, en « libération des corps ».

Timide, Ahmed, et pourtant face à ce dilemme auquel font face la plupart des Hommes musulmans lorsque confrontés aux choses du sexe, ils ont affaire  aux femmes de leur propre race et le parcours vers une certaine acceptation de la femme maghrébine libre n’est pas le même.

Bouzid est pourtant bonne joueuse, interrompt l’acte lorsqu’il le faut, assure tout de même une continuité érotique qui ne dément pas et, fidèle à une approche orientale de la démonstration, évite l’excès, invitant le spectateur au fantasme, à l’imagination, aux mille et une représentations qui peuvent germer dans son esprit. Honnêtement, c’est beaucoup plus fort de cette façon!

Un scénario risqué, deux comédiens exceptionnellement éloquents et venant de Leyla Bouzid, une tendresse envers le mélodrame familial qui se transforme, comme par magie, en « libération des corps ».

Comme le titre du film, un peu anachronique… et c’est ce qui fait sa radieuse beauté. Une tendresse sensuelle qui ose dire son nom.

 FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Leyla Bouzid

Scénario
Leyla Bouzid

Direction photo
Sébastien Goepfert

Montage
Lilian Corbeille

Musique
Lucas Gaudin

Leyla Bouzid.
Libérer la femme maghrébine.

Genre(s)
Drame sentimental

Origine(s)
France

Tunisie

Année : 2021 – Durée : 1 h 38 min

Langue(s)
V.o. : français, arabe; s.-t.f.

Une histoire d’amour et de désir
Qussa hobb warghaba

Dist. [ Contact ] @
K-Films Amérique

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cineplex

[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]