Visions du Réel.
2023
ÉVÈNEMENT.
[ Présentiel & En ligne ]
texte
Luc Chaput
Frontières
Une jeune femme canadienne, intéressée par le paranormal, se rend à Wilno, dans le Nord de l’Ontario, pour enquêter sur une histoire de vampires. Elle remarque que la localité est horripilée par la place que cette anecdote colportée par Jan L. Perkowski a prise dans une certaine sous-culture. Kinga Michalska remonte le fil de l’histoire jusqu’à l’enregistrement original de l’anthropologue américain qui a employé le terme de vampire pour nommer une condition d’un enfant à la naissance. Il a ainsi vilipendé cette communauté Kachoube en montant en épingle certaines de leurs croyances. La réalisatrice, par ses rencontres avec des habitants du lieu, nous fait ainsi connaître d’une manière originale un autre pan de l’immigration est-européenne au Canada et décortique les effets d’un dérapage médiatique ancien. Vampires, It’s Nothing to Laugh At s’est mérité avec raison une mention dans la compétition du moyen métrage à ce festival et pourrait donc faire partie de la section Documentaires du prochain Fantasia.
Un berger catalan parle avec un collègue pendant une pause-repas dans la campagne près de Barcelone. Il remarque que l’édifice de l’Institut qui surplombe une partie de la vallée a été construit il n’y a pas si longtemps. La caméra de Carlota Serarola, par zoom à plusieurs reprises d’un côté ou de l’autre, relie ces deux expressions de la relation entre l’homme et l’animal qui se conjuguent dans Fauna du cinéaste et architecte Pau Faus. Le chef de la sécurité de cette entreprise de recherches médicales entreprend une inspection générale de l’extérieur du bâtiment et de toutes ses interactions physiques avec l’extérieur par suite d’une intrusion inattendue dans ces espaces fortement protégés. Y œuvrent des scientifiques munis de costumes similaires à ceux des astronautes pendant que leurs subalternes vaquent à des occupations tout aussi nécessaires. Le caractère bucolique du travail du berger est assombri par ses ennuis de santé qui rendent plus compliquées certaines de ces tâches. Des séquences montrent l’arrivée successive d’autres animaux de laboratoire pendant que l’éducation de certains employés se poursuit. Délimitée dans le temps et l’espace, cette subtile présentation de deux mondes en apparence opposés pourtant complémentaires n’a pourtant pas gagné les faveurs du jury.
Une équipe de journalistes se rend en zone de conflits pour rendre compte des événements et interviewer des participants. Nous sommes pourtant en mode virtuel dans le jeu vidéo DayZ dans la république postapocalyptique de Chernarus, morceau de l’ex-URSS. Les trois réalisateurs français Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L’helgoualc’h ont passé presque mille heures pendant le confinement pandémique dans ce Knit’s Island. L’aspect irréel d’images de synthèse apparaît étrange au début pour un documentaire sur le réel. Pourtant la découverte de ce nouveau monde dans lequel des groupes plus ou moins hiérarchisés combattent des zombies et tiennent des propos racistes s’inscrit tout au long dans une enquête sur la différence entre avatar et personnalité du joueur. Les diverses interactions sur un long terme entre les dits journalistes et les habitants de ce lieu virtuel sont assez variées pour renouveler l’intérêt. Havre de paix dans une vie trépidante, endroit pour donner vent à ses pulsions inavouables et autres modulations de ces attitudes sont ainsi amenées par les cinéastes dans un faisceau d’aventures dans lesquels les langues se délient. Knit’s Island a donc gagné à juste titre le Grand Prix de la section plus aventureuse Burning Lights et celui de la FIPRESCI.
Nous reviendrons lors de leurs sorties en festival ou en salle sur d’autres films de cette 54e édition tenue le mois dernier tels le gagnant de la Compétition Internationale While the Green Grass Grows du Suisso-Canadien Peter Mettler et le Prix spécial du jury accordé à Defectors de la Sud-Coréenne Hyun Kyung-kim.