Vues d’Afrique 2020 – Afrique noire, Antilles, Océan indien

Sarah Maldoror
@ archive personnelle Sarah Maldoror

 

ÉVÈNEMENT
[Programmation numérique]

texte
Luc Chaput

 

Sarah Maldoror, la grande réalisatrice française d’origine antillaise est décédée juste avant ce festival. Pour son œuvre et pour son couple avec l’homme politique angolais Mário Pinto de Andrade avec qui elle travailla notamment sur Sambizanga, qu’elle soit grandement remerciée.

À la mémoire de

Sarah Maldoror

Un poète haïtien âgé se promène dans sa ville natale, Port-au-Prince. Il est de nouveau de retour après un exil au Québec où il travailla en communication en plus d’écrire un œuvre substantielle célébrée par plusieurs prix importants. Le réalisateur et producteur Arnold Antonin, après plusieurs portraits d’autres auteurs de son pays, rend ainsi hommage à Anthony Phelps dans ce long métrage où les entrevues même contradictoires d’amis et de spécialistes se répondent dans un périple dans les Antilles et au Québec où l’on peut être surpris d’entendre le nom d’Yves Thériault à côté de celui de Gaston Miron. Les poèmes sont dits, déclamés, étudiés dans ce film qui porte très bien son nom, Anthony Phelps : à la frontière du texte.

Anthony Phelps : à la frontière du texte

Rasmané doit s’occuper des funérailles de Pierre ami orpailleur pour aider sa pauvre famille éplorée. Il convainc Gouba, un copain propriétaire d’une camionnette, de l’aider et le groupe ainsi constitué se heurte à plusieurs difficultés administratives et religieuses qu’ils contournent ou aplanissent de manière quelquefois inattendue. La mise en scène d’Abdoulaye Dao et Hervé Éric Lengani allie ainsi fiction et documentaire dans cette comédie dramatique et ironique sur la société burkinabé qui égratigne certaines pratiques. Elle redonne aussi crédibilité à certains marginaux dépréciés par le vocable qui les décrit et qui sert de titre Duga, les charognards. Dans ce voyage initiatique pour plusieurs spectateurs, l’interprétation si différente mais éminemment complémentaire de Charles Wattara et Abdoulaye Komboudri soutient en plus tout au long l’intérêt et a sûrement aidé à permettre au film de remporter deux prix spéciaux au dernier Fespaco.

Duga, les chrognards

Au Burundi en 1991 et plusieurs fois depuis, Assouman, Etu, Innocent, Jean-Marie, Philibert et Zorrito, enfants des rues et amis sont filmés par le cinéaste belge Philippe de Pierpont pour des émissions de télé diffusées en Europe. Philippe a promis, il y a une vingtaine d’années, de continuer jusqu’à la fin de leurs existences de les revoir et de capter leurs joies, leurs peines ou leurs désirs les plus fous. Deux séquences en plongée et zoom arrière ponctuent cette rencontre récente au Kenya où le filmage est à hauteur d’homme le plus souvent. Les scènes de nuit ou dans un désert contrastent de plus avec celles d’archives tournées en plein soleil dans les rues ou ruelles d’une agglomération burundaise. Certains des six amis sont depuis décédés dans des circonstances tragiques et le spectre de la guerre civile rode aussi en arrière-plan dans ce prenant documentaire sur le hasard et les nécessités de la vie qu’est La prochaine fois que je viendrai au monde.

Dans la même région de l’Afrique coule le Congo, moteur du deuxième  plus grand bassin hydraulique mondial. En cette république du Congo dont la capitale est Brazzaville, une immense tourbière millénaire a été découverte il y a peu d’années. La réalisatrice et ex-ministre de la Francophonie Yamina Benguigui en l’explorant donne ainsi la parole à des spécialistes du cru ou européens ainsi qu’à des professeurs et intervenants auprès de la population afin que soient instaurées ou continuées des pratiques dont certaines ancestrales qui permettent d’améliorer la qualité de l’eau, de réduire les gaz à effets de serre et de protéger cette tourbière qui fait de cette forêt équatoriale africaine, Le dernier poumon du monde.

Cilaos, au nom de la terre

Dans l’océan Indien, une population d’agriculteurs vit difficilement mais sereinement sur l’ile de la Réunion. La réalisatrice Claire Perdrix nous présente ces habitants du cirque de Cilaos difficilement accessible dans le centre montagneux de ce département français de lointaine outre-mer. La diversité des vécus de ces personnes compense en partie le manque de recul historique et accompagne les nombreux sous-entendus glanés dans cet épisode Cilaos au nom de la terre de la télésérie Nous, gens de la terre.

Aux Antilles françaises, un pesticide américain le chlordécone, pourtant interdit aux États-Unis depuis 1976, a été bien longtemps utilisé sous d’autres noms pour favoriser la culture intensive dans les bananeraies. La découverte d’un taux très élevé de cancers de la prostate et d’autres maladies a amené le gouvernement français à prendre certaines mesures. Le réalisateur belge Bernard Crutzen remonte à la source du problème en Virginie et décrit le périple tortueux aux implications politiques distillées au compte-goutte vers une situation actuelle qui encore laisse plusieurs populations en plan. Ce moyen-métrage Pour quelques bananes de plus constitue une suite évidente à Malaria Business gagnant d’un prix à un précédent Vues d’Afrique. Des courts métrages d’animation ou de fiction venant de nombreux pays font aussi partie de ce festival qui trouve en ces temps turbulents sur le site de TV5 une plateforme de diffusion numérique évidente puisque ce réseau participe déjà à la production et à la diffusion de ces films après une sortie possible en salles.