Vues d’Afrique 2023.
III
ÉVÈNEMENT.
[ Festival. ]
Afrique noire
et
Océan Indien
Croyances
texte
Luc Chaput
Dans le stade d’une capitale, un parti politique réunit de nombreux participants. Sur le terrain, une estrade sur laquelle se trouve une table bien fournie et les dirigeants, des spectateurs membres du parti, sont assis sur des chaises devant cet aréopage de dignitaires. Toutefois, l’on remarque que les estrades sont remplies non de personnes, mais de chandails qui flottent au vent soutenus par des pôles de bambou. L’illusion est réussie au loin comme naguère dans certains films à grand déploiement dans lesquels on employait ce stratagème peu coûteux.
Ery Claver installe trois histoires dans son Our Lady of the Chinese Shop (Nossa senhora da loja do chinês); un commerçant chinois vend des statues de la Vierge Marie, une narration en mandarin, un jeune homme qui cherche son chien dans les dédales de Luanda et un couple âgé qui tente de contrer un problème d’infiltration d’eau. Les représentations de diverses religions et croyances sont ainsi mises en scène avec un panache certain même si le propos reliant tous les fils narratifs n’est pas toujours évident.
À l’Île Maurice, Ronaldo, un jeune homme tente de sortir de sa situation de travailleur mal payé. Un héritage possible l’amène à prendre certaines décisions et à croiser Ajeya, une couturière indienne affermée dans des conditions déplorables. Leur périple sur des routes secondaires et même vicinales dans une cinématographie où la nuit luit de toutes ses teintes et dans laquelle des représentations de la culture hindoue surgissent à de nombreux détours amène le spectateur vers une certaine sérénité, ayant partagé, pendant au moins la durée de ce Regarde les étoiles (Simin Zetwal) de David Constantin, ces vies pour qui l’ailleurs aura toujours un meilleur goût.
Un mariage arrangé qui modifie le cours de plusieurs existences, un chœur de femmes qui commente l’action et qui y participent même à plusieurs reprises soulignant ainsi la force de cette sororité et un griot apostrophant le spectateur dans un regard caméra, voilà quelques-uns des éléments constitutifs de Xalé de Moussa Sène Absa. Présentant un autre aperçu de la conurbation métropolitaine de Dakar prise entre tradition et modernité, le montage, par ses nombreux retours en arrière, complique la perception de ce long métrage que le Sénégal présenta lors de la dernière course aux Oscars.
Dans une ville en ruine après des années de guerre, des avions parachutent des colis qui volettent lentement au vent. On ne sait si ce sont des vivres ou des explosifs. Tel est un des moments prenants de Nayola, film d’animation angolais qui revient sur la guerre civile qui dévasta ce pays. Les parcours de trois femmes prises à deux moments de l’Histoire sont ainsi imbriqués. L’une Yara est une jeune musicienne qui critique le nouveau régime et est poursuivie par la gendarmerie. Nayola est à la recherche de son mari pendant ce long conflit.
L’animation recrée avec précision l’ambiance de ces combats dans laquelle la beauté des lieux entre en dialogue avec les actions guerrières et les exactions. Des actualités cinématographiques sont transformées en noir et blanc et constituent des pauses dans ce récit mouvementé et très coloré. Une descente de fleuve, les dunes d’un désert précèdent une cérémonie religieuse ancestrale invoquant la lune dans un endroit où des peintures rupestres prennent vie. Un chacal relie les deux vies en conjonction avec une vielle dame dans un quartier pauvre de Luanda. L’œuvre de José Miguel Ribeiro, par ses qualités picturales et narratives, était la meilleure des propositions de longs métrages de fiction de la sélection sub-saharienne de cette édition du festival.
Vues d’Afrique
Du 20 au 30 avril 2023