Wings Hauser
< 1947-2025 >
un Hommage
de Pascal Grenier
Ramrod
pour toujours
Né Gerald Dwight Hauser, figure à la fois sulfureuse et tragiquement humaine, “Wings” nous quitte à l’âge de 77 ans, emportant avec lui l’ombre de ses propres démons. Natif d’Hollywood, il semble avoir été destiné dès l’enfance à naviguer entre lumière et obscurité. Après une jeunesse où le football (et la naissance de son surnom “Wings”) se mêlait aux rêves d’une carrière musicale, c’est dans l’univers impitoyable du cinéma que Hauser trouve enfin son terrain de prédilection, un lieu où ses multiples facettes pouvaient s’exprimer avec une intensité rare.
Sa prestation dans l’extraordinaire Vice Squad (La descente aux enfers), de Gary Sherman, reste, sans conteste, son moment de gloire. Dans ce film, il incarne l’inoubliable Ramrod. un proxénète déjanté dont la violence et la cruauté ne masquent rien d’autre qu’un reflet brutal d’une âme en perdition. Par ce rôle, Hauser ne se contente pas d’interpréter un personnage, il incarne une part sombre de la société, une réalité dérangeante qui, par son intensité, finit par subjuguer le spectateur. La tension dramatique y est telle que chaque scène devient un miroir de la décadence, offrant au public un aperçu poignant d’un destin fatalement lié à ses propres excès.

Vice Squad
Dans A Soldier’s Story de Norman Jewison, il endosse avec une gravité toute militaire le rôle d’un officier aux prises avec des dilemmes moraux dans un contexte de guerre où les frontières entre le devoir et la survie se brouillent. Confronté à un jeune Denzel Washington, sa performance, empreinte d’une mélancolie implacable, contribue à magnifier les tensions éthiques et humaines qui traversent le récit. Il réussit à insuffler une profondeur inattendue à un personnage secondaire, faisant de chaque réplique une interrogation sur la nature du courage et de la faiblesse humaine.
Dans Tough Guys Don’t Dance (Les vrais durs ne dansent pas),de l’écrivain Norman Mailer, Hauser se distingue par un jeu qui oscille entre la rudesse de l’action et la vulnérabilité d’un homme en quête d’une identité perdue. Dans ce polar néo-noir cruellement mésestimé, chaque geste, chaque regard semble chargé d’une histoire personnelle douloureuse, où le destin joue à la fois le rôle du bourreau et du libérateur. Son interprétation, à la fois incisive et désabusée, transforme le film en une sorte de méditation sur la violence et la rédemption, écho d’une époque où le cinéma de genre osait défier les conventions.
Enfin, dans le très méconnu The Siege of Firebase Gloria (Le dernier assaut / Les rescapés de Gloria), de Briann Trenchard-Smith, Hauser livre une performance d’une rare intensité. Dans ce puissant drame de guerre, il incarne un soldat confronté à l’absurdité et à la brutalité du conflit, offrant une lecture qui transcende les clichés habituels du film de guerre. Sa présence magnétique et inquiétante, comme toujours, confère au film une dimension quasi poétique, où la survie devient un chemin semé d’embûches autant que d’espoirs brisés.
En définitive, malgré une carrière marquée par des excès et des errances personnelles, Wings Hauser aura su, par son jeu inimitable, laisser une empreinte indélébile dans le cinéma de genre.
Et ironiquement, sa dernière apparition au cinéma est dans le rôle d’un paraplégique dans Rubber, dont le public découvrait l’univers singulier d’un certain Quentin Dupieux. Par son audace et sa vulnérabilité, il a offert au public une véritable plongée dans l’âme humaine, où la beauté se mêle inévitablement à la douleur. Son parcours, aussi tourmenté que fascinant, demeure une invitation à explorer les abîmes et les lumières d’un art qui, parfois, se fait le miroir de nos propres contradictions. Il reste à jamais un des grands character actor du cinéma américain contemporain.

Rubber