Zoé
CRITIQUE
| SCÈNE |
Élie Castiel
★ ★ ★ ★
Pour mieux vivre, pour mieux penser, pour pouvoir construire et se construire sur des bases solides notre rapport au monde. Et du moins si on écoute attentivement le dialogue, d’abord de sourds, qui s’établit entre le professeur et son étudiante. Son prénom, Zoé, du grec ancien et aussi moderne signifiant « vie ». Quelques brefs monologues de l’une ou de l’autre établissent cette stratégie de mise en scène qui permet aux protagonistes, chacun son tour, de fuir l’espace dramaturgique pour en revenir plus animé.
La philosophie comme
un acte de résistance
La narration traditionnelle n’a pas ici droit de cité. C’est uniquement à un échange d’idées intellectuelles sur la condition humaine qui se transforme, surtout pour Zoé, selon le jour, en une ouverture sur la pensée multiple. Sur ce point, la mise en scène de Choinière nous paraît impeccablement minimaliste : quasi mêmes gestes, répétés, selon le jour, dans d’autres endroits de la scène – décor d’une salle de classe universitaire d’un XXIe siècle déjà amorcé depuis 20 ans. Les luminaires fluorescents au plafond sont comme si les Dieux (ou peut-être Philosophes) de l’Antiquité jetaient leur sort accusateur sur les bancs vides d’une classe assiégée par la grève des étudiants (épisode des casseroles). Sur ce point, la conception vidéo et le travail de son demeurent d’une écrasante efficacité.
Une seule étudiante qui revendique son droit d’aller étudier et qui l’explique à sa façon. Qui a tort? Qui a raison? Est-ce que la majorité a toujours raison? Dans cette ère de populisme exacerbé, étouffant et plus que tout, tristement consensuel, la question doit vraiment se poser.
Deux générations s’affrontent, celle d’après Mai 68, sans doute la dernière à s’intéresser aux grandes questions du monde, particulièrement aux rapport humains, d’où ce constant renvoi aux philosophes grecs de l’Antiquité, et la génération des milléniaux pour qui une simple critique constructive peut être prise comme un affront à leur intégrité. Il suffit de bien observer autour de vous. Vous vous rendrez compte que c’est une réalité déconcertante.
Mais entre le prof et Zoé, ce qui débute comme une légère confrontation se transforme en un face-à-face qui, tenant compte de l’époque qu’on vit actuellement, transcende les barrières, un début de communication, peut-être même d’amitié.
Un bémol : le dernier et bref monologue de Zoé qui clôt la pièce brise avec le reste. Un choc pour le spectateur qui ne saisis pas très bien ce qui se passe vraiment. Quelques derniers mots et les lumières s’éteignent comme signe de fin. Notre souffle s’arrête pendant quelques brèves secondes.
Les luminaires fluorescents au plafond sont comme si les Dieux (ou peut-être Philosophes) de l’Antiquité jetaient leur sort accusateur sur les bancs vides d’une classe assiégée par la grève des étudiants (épisode des casseroles). Sur ce point, la conception vidéo et le travail de son demeurent d’une écrasante efficacité.
Quoi qu’il en soit, depuis quelque temps, la dramaturgie québécoise reprend fréquemment ces idées (ou idéaux) hellénistes pour penser notre contemporanéité. Nul doute qu’avec Zoé, Olivier Choinière instaure un dialogue spirituel avec les grands maîtres de la pensée, du discours, de la polémique, ceux qui ont forgé notre civilisation occidentale1.
1 Dans Le destin de l’Occident : Athènes, Jérusalem (Paris : Fayard, 2016), les auteurs Jacques Attali et Pierre-Henri Salfati défendent leur thèse selon laquelle notre civilisation occidentale serait le fruit d’un véritable dialogue judéo-grec dans l’Antiquité. Disponible dans les bonnes librairies.
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ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Olivier Choinière
Mise en scène
Olivier Choinière
Assistance à la mise en scène
Stéphanie Capistran-Lalonde
Dramaturgie
Andréane Roy
Scénographie
Simon Guilbault
Costumes
Elen Ewing
Éclairages
André Rioux
Vidéo
Hugues Caillères & Antonin Gougeon
[ HUB Studio ]
Conception sonore
Éric Forget
Conseil philosophique
Karine St-Gelais
Distribution
Marc Béland
Zoé Tremblay-Bianco
Production @
Théâtre Denise-Pelletier
en coproduction avec L’ACTIVITÉ
Durée
1 h 30 min
[ Sans entracte ]
Représentations @
TDP (Grande salle)
Jusqu’au 29 février 2020
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]
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