Quartett
CRITIQUE – SCÈNE
| Élie Castiel – ★★★½ |
LA PHILOSOPHIE DANS LE BOUDOIR
Un décor minimaliste pour théâtre de chambre; un comédien, Adrien Bletton (la vicomte de Valmont), une femme de théâtre, Ève Pressault (la marquise de Merteuil). Libertinage, sexe, guerre des genres, à-qui-revient-le-dernier-mot et en fin de compte Éros et Thanatos qui s’unissent et convergent dans un dialogue d’une heure où règlements de compte, désir d’encore séduire et cette obsession tout à fait française de philosopher autour du sexe, avant et après font face aux spectateurs intimement, sans détours, comme si les situations s’imposaient d’elles-mêmes.
C’est à une guerre de nerfs et de pouvoir que nous assistons, augmentant le plaisir parce que ces mots bien choisis font parfois allusion aux parties génitales de l’un ou de l’autre des protagonistes, prises comme des armes à double tranchant, diaboliques. Avec Quartett, la traduction de Jean Jourdheuil et de Béatrice Perregaux à partir de l’original en allemand de feu Heiner Müller, défilent les personnages « immoraux » du Laclos des Liaisons dangereuses en faisant éclater avec un tact assassin leurs sentiments d’amour/haine, d’attirance/répulsion.
Et ce décor séduisant, une scène horizontale protégée par un rideau transparent qui laisse glisser tout de même un faux nuage d’intimité car tout est clair, même cette fosse où les corps semblent sortir de l’enfer, non pas celui de Dante, mais de celui de la quintessence des sentiments les plus torturés.
Mais quand la chair succombe, ce discours dans un salon privé normalement associé aux étreintes le plus souvent rapides et coquines, il suffit de quelques moments d’inattention pour se laisser momentanément séduire par un Cupidon sournois, mais pour reprendre de plus belle cette lutte des sexes. Car de Montreuil et Valmont ne forme qu’une seule et même personne. Ils partagent leur ADN psychologique et se comportent impunément.
D’où cette merveilleuse partie de cette courte pièce où les âmes et les corps des deux rivaux amoureux se substituent l’un à l’autre. À tel point que les spectateur est obligé de remettre en question la notion de genre et de récit.
Et ce décor séduisant, une scène horizontale protégée par un rideau transparent qui laisse glisser tout de même un faux nuage d’intimité car tout est clair, même cette fosse où les corps semblent sortir de l’enfer, non pas celui de Dante, mais de celui de la quintessence des sentiments les plus torturés. Pour Solène Paré, une résidence à Espace Go pavée de bonnes intentions.
FICHE TECHNIQUE
Texte: Heiner Müller
Traduction: Jean Jourdheuil, Béatrice Perregaux
Mise en scène: Solène Paré
Assistance à la mise en scène: Jasmine Kamruzzaman
Dramaturgie: Alice Ronfard
Interprètes: Adrien Bletton, Ève Pressault
Décor et Accessoires: Elen Ewing
Lumières: Martin Sirois, assisté de Chantal Labonté
Costumes: Lari Jalbert, assisté(e) de Robin Brazill
Vidéo: Antonin Gougeon [ HUB Studio ]
Musique: André Marsolais-Roy
Direction de production: Audrey Blouin
Direction technique: Alex Gendron
Production: Espace Go / Fantôme
Durée: 1 h, (Sans entracte)
Représentations: Jusqu’au 6 avril 2019, Espace Go.