Cinemania 2020 [LC-01]
MANIFESTATION
[ En ligne ]
les courts
un texte de
Luc Chaput
Un homme âgé se lève difficilement et se rend de par les rues et les places d’une ville blanche et lumineuse dans un café où il a ses habitudes. Un jour, un plus jeune se présente et entame une conversation. Il est enseignant et était naguère analphabète. La rencontre suivante permet d’apprécier les similitudes des parcours entre Jean Genet auquel Philippe Torreton apporte sa force tranquille et Mohamed Choukri, écrivain marocain sur lequel on peut rapidement trouver d’autres infos sur Internet. Entre l’ombre et la lumière, entre le révélé et le non-dit, le réalisateur, également historien d’art, Guillaume de Sardes, dans Genet à Tanger, réutilisant des passages de son livre éponyme, évoque les conditions d’une rencontre capitale au moins pour l’un des deux auteurs.
Partir, revenir
Les changements des conditions de projection ont amené cette année une bonification de l’offre des courts métrages dans ce festival. Carte de visite pour plusieurs espérant réaliser au moins un long, les courts métrages présentés cette année dans les compétitions, montrent bien qu’ils demeurent, comme les nouvelles, les impromptus ou les études dans d’autres arts, des œuvres à part entière.
Une vieille dame pauvre, sage-femme dans une ville corse au XIXe siècle, a l’extrême douleur de perdre son fils pendant un vol. Elle échafaude lentement et sûrement une vendetta déjà décrite dans la nouvelle de Guy de Maupassant. L’interprétation rentrée de Christiane Conil donne à La veuve Saverini une qualité d’émeraude sombre à une mise en scène de Loïc Gaillard dans laquelle naissances et morts se répondent sous un soleil implacable.
Un petit garçon s’amuse en été avec ses copains sur la plage. Adil espère le retour de son père et de son frère aîné pour les vacances. Vivant dans un gynécée auprès d’une mère et d’une grand-mère aimantes, son quotidien sera bouleversé par ce retour attendu. Dans ce Départ à saveur autobiographique, le producteur et réalisateur franco-marocain Saïd Hamich Benlarbi allie la petite et la grande histoire par le biais d’un exploit d’un compatriote aux Jeux Olympiques dans cette juste évocation des déchirements que provoquent ces éloignements entre travailleurs au loin et famille dans la ville natale. La direction d’acteurs, au juste doigté tant pour les jeunes que les adultes, rend encore plus préhensible cette fracture et cet appel à la découverte d’un autre monde.
Les cinéastes Sami Mermer et Houman Zolfaghari donnent ainsi, à La Chambre, un caractère universel par leur mise en images tout en demi-teintes de l’expérience d’un compatriote kurde en passe de devenir québécois.
Dans la grisaille de l’hiver montréalais, un homme dans la force de l’âge cherche un immeuble dans Hochelaga. Immigrant récent, sa langue maternelle par le poème qu’il récite et par les coups de téléphone au loin qu’il fait, l’individualise avant que son approche de ses voisins possibles et sa rencontre avec un compatriote l’amènent à s’ouvrir d’autres façons à l’autre inconnu ou reconnu tout en se souvenant d’un proche passé radieux et d’un avant-hier dangereux. Les cinéastes Sami Mermer et Houman Zolfaghari donnent ainsi, à La Chambre, un caractère universel par leur mise en images tout en demi-teintes de l’expérience d’un compatriote kurde en passe de devenir québécois.
Un enfant difficile se bute aux sollicitudes de ses parents dont le couple se lézarde. La mère tente de réparer les pots cassés par cet Edmond qu’elle comprend de moins en moins. Celui-ci se construit un univers complexe qu’il peint en son for intérieur et d’autres manières. La rencontre d’À travers les murs se construit lentement sur divers paliers allant du dedans vers le dehors et y revenant, mue par les regards de ces êtres dirigés adroitement par l’auteure et actrice Larissa Corriveau (Répertoire des villes disparues).
D’autres œuvres comme Imelda 3 : Simone de Martin Villeneuve et Qu’importe si les bêtes meurent de Sofia Alaoui, prix au dernier Sundance ou le rhomérien Camille sans contact de Paul Nouhet sont promus à une belle carrière sur laquelle nous reviendrons lors de nos articles sur les nominations aux divers prix qui scintilleront lors de la prochaine année. Ils suivront en cela leurs prédécesseurs que furent Fauve ou Brotherhood présentés dans l’hommage au festival saguenéen de Regard. Dans la rétrospective des films de Louis Bélanger, Les 14 définitions de la pluie coréalisé avec son ami Denis Chouinard garde encore toute sa beauté et sa pertinence qu’elle irradiait déjà en 1993.