La nuit venue

PRIMEUR
Sortie
vendredi 26 février 2021

SUCCINCTEMENT
Immigrant chinois sans papiers installé à Paris depuis cinq ans, Jin n’a d’autre choix que de travailler pour Xiè, le chef de la pègre chinoise auprès duquel il a contracté une importante dette.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Nocturne mélancolie

Cinq sujets courts, dont le plus emblématique demeure Suis-je le gardien de mon frère? (2013), puis, en 2019, un premier long métrage qui, doit-on ajouter, a divisé injustement la critique. Je me tiens du côté de ceux qui ont accueilli La nuit venue avec un bonheur certain, conscients de l’aboutissement d’un jeune metteur en scène corse qui filme les visages comme des tableaux de maître, qui sculpte leurs sentiments comme si on les filmait de l’intérieur, donnant à l’inconscient une nouvelle signification.

Hommage à un certain cinéma de genre, le film Noir (je ne me censure pas puisqu’il s’agit d’un genre établi depuis de nombreuses décennies n’ayant aucun rapport avec le racisme), son ambiance, ses ombres et ses lumières renouvelées par la magie attrayante de la couleur, ses codes narratifs voulant que les personnages sont, en principe, des gens perdus dans les tentacules de la grande ville, ici un Paris nocturne de deals, de boîtes de nuit, de récits charnels payés et, entre autres, de mafias locales qui ne jurent que par la violence et une idée fausse de l’honneur.

Farrucci a probablement été fervent cinéphile, du film d’auteur à celui grand public qui se démarque en défendant sa verve populaire consistant principalement à se divertir. Mais le réalisateur en a tiré les plus belles leçons, et dans La nuit venue, on constate dès le début une originalité bouillonnante qui ne déroge jamais.

 Ils n’ont rien à perdre et tout à gagner

Une histoire d’amour impossible, quasi tordue, pour certains improbable, pour rester fidèle à une des conditions du genre, mais pas n’importe laquelle. Celle entre deux écorchés de la vie, la prostituée/strip-teaseuse et le migrant, chauffeur de VTC parisien, à peine quelques mots de français. Et encore.

Du rapport entre ces deux individus – Camélia Jordana et Guang Ho, remarquables de prouesses dans l’art de l’interprétation, inspirés par tous les motifs d’une relation qui se veut amoureuse malgré tout, tentant le bonheur sans trop de dégâts – une évidence : ils n’ont rien à perdre et tout à gagner. Et en filigrane, dans leur course vers la félicité, quoique inatteignable, des thèmes qui ressurgissent comme par enchantement : l’ubérisation incontrôlable de la société urbaine, l’individualisme chronique qui fait mal, notamment dans les grands centres, le modèle chinois vécu en Occident qui ignore les mœurs de leurs pays d’accueil. Leur histoire est atteinte d’une mélancolie qui ne s’exprime que la nuit venue.

Je me tiens du côté de ceux qui ont accueilli La nuit venue avec un bonheur certain, conscients de l’aboutissement d’un jeune metteur en scène corse qui filme les visages comme des tableaux de maître, qui sculpte leurs sentiments comme si on les filmait de l’intérieur, donnant à l’inconscient une nouvelle signification.

Certes, La nuit venue n’est pas un très grand film, mais force est de souligner que dans un cinéma hexagonal qui cherche encore ses nouvelles voies et voix, Frédéric Farrucci peut s’affirmer heureux de contribuer positivement, à l’instar de son compatriote Pascal Tagnati avec son I Comete, d’une originalité qui donne la chair de poule autant par sa déconstruction narrative que par la puissance d’une mélancolie volontairement désincarnée. Film dont nous vous invitons à lire notre critique très bientôt.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Frédéric Farrucci

Scénario
Benjamin Charbit

Frédéric Farrucci
Nicolas Journet
Laurette Polmanss

Direction photo
Antoine Rorouty

Montage
Mathilde Van de Moortel

Musique
Rone

Son
Philippe Grivel

Photo de tournage @ Koro Film

Genre(s)
Drame

Origine(s)
France

Année : 2019 – Durée : 1 h 35 min

Langue(s)
V.o. : français, chinois ; s.-t.f.

La nuit venue

Dist. @
K-Films Amérique

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

En salle(s) @
Cinéma Beaubien
Cineplex

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]