Bouleversement

CRITIQUE.

texte
Élie Castiel

★★★ ½

En ce qui nous concerne, première incursion dans l’univers particulier de la chorégraphe Estelle Clareton. Entrée de jeu avec Bouleversement, une œuvre identique, rebelle même, se permettant divers détours dans la manipulation du corps. Entre l’extase et l’agonie, entre la réalisation d’une physicalité organique et un semblant de corporalité, pourtant très présent.

L’interprète, Esther Rousseau-Morin, magnifique, lumineuse, a collaboré avec Clareton à créer cette chorégraphie, en collaboration avec Annie Gagnon. Un résultat époustouflant qui dresse le bilan d’une femme en relation avec son Être physique. Il y a aussi quelque chose de romantique dans ce personnage, un sentiment d’impuissance et dans le même temps de fugacité, car elle ne dure que quelques moments, pour passer à autre chose.

Entre ruptures

        et utopie

La musique d’Antoine Bédard allie diverses tendances, donnant la possibilité autant aux chorégraphes qu’à la danseuse d’explorer l’espace, le situer dans un ailleurs qui n’existe pas ; peut-être bien qu’il s’agît du néant, comme le confirme ces images finales, non pas apocalyptiques, mais non loin d’un no man’s land illusoire, imaginé.

Pour des raisons que nous n’arrivons pas à saisir, dans ses brefs moments, surtout lorsque la musique est absente, les silences trépidants rappellent ce qui était verbalisé dans La voix humaine, la pièce de Jean Cocteau.

Un rendez-vous particulier avec l’amour, celui de l’autre, l’acceptation ou le refus de soi. Un dialogue avec le monde. Une chorégraphie inventive et particulièrement, avant tout, conceptuelle. Ce rapport aux objets, aux textures, au sol, ce lien avec l’environnement sont autant de correspondances qui unissent la danseuse à l’univers.

La musique d’Antoine Bédard allie diverses tendances, donnant la possibilité autant aux chorégraphes qu’à la danseuse d’explorer l’espace, le situer dans un ailleurs qui n’existe pas ; peut-être bien qu’il s’agît du néant, comme le confirme ces images finales, non pas apocalyptiques, mais non loin d’un no man’s land illusoire, imaginé.

Une aventure faite de ruptures, de cassures, de pièces détachées. / Crédit : @ Stéphane Najman

En mode-distanciation, pandémie oblige, voici une création qui ne sacrifie point son discours sur l’art qu’elle professe. Rien n’est laissé au hasard, costumes, éclairages, accessoires. Tout pour que la danseuse, prête à affronter ses démons, offre une narration chorégraphique d’une rare intensité.

Il a y une sensualité évidente que reflète Rousseau-Morin, un érotisme sain qui circule tout le long d’un spectacle qui dure près de 60 minutes. En fin de compte, pour finir son périple illuminé, l’interprète remet son corps à une sorte de déité incarnée par un imposant rouleau en polyéthylène qu’elle déploie dans tous les sens, enchevêtré dans son être.

Car en somme, Bouleversement est surtout une aventure faite de ruptures, de cassures, de pièces détachées qui s’harmonisent à la chorégraphie, ou vice-versa. C’est sans aucun doute le but premier de la nouvelle danse contemporaine, délaissant de temps en temps l’athlétisme du corps pour le situer dans le concret manifeste, qui n’éprouve rien. Une vision du monde, un regard sur l’art de création. Un lien privilégié avec les spectateurs qui, sans doute, prennent conscience de leur fragilité. Mais également de leurs multiples possibilités.

Mais dans cette image finale qui confirme la rupture et finit dans le noir, c’est peut-être la poignante promesse d’une possible renaissance, comme une utopie réalisable.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Chorégraphie
Estelle Clareton

Esther Rousseau-Morin
en collaboration avec Annie Gagnon

Interprète
Esther Rousseau-Morin

Scénographie / Accessoires & Costumes
 Karine Galarneau

Éclairages
Alexandre Pilon-Guay

Musique
Antoine Bédard

Production
L’Agora de la danse

 [ Webdiffusion ]
Réalisation / Montage
 Louis-Martin Charest

Direction photo
Jean-Sébastien Giroux
[ assisté de Lena Stolarska, également cadreuse ]

Direction technique & Finition
Claude Précourt

Durée
57 min approx.

Diffusion @
Webdiffusion

du 7 au 14 mai 2021

Billets @
Agora

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]