RK/RKAY

PRIMEUR
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Sortie
Mercredi 14 mai 2021

SUCCINCTEMENT
RK tourne un film et on lui apprend que son personnage principal, Mahboob, a disparu des rush. Panique en la demeure.

CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Élie Castiel

Rajat Kapoor fait partie de cette lignée de cinéastes indiens,  jeunes et moins jeunes qui, tout en acceptant des rôles de survie dans des Bollywood, industrie cinématographique principale au pays, persistent et signent, peu faut-il conclure, suivant néanmoins une méthode cohérente et constante. Apôtres d’un mouvement cinéphilique ne sont-ils pas, après tout, les disciples des prestigieux Satyayit Ray et Shyam Benegal, des grands d’une autre époque? Une parenthèse s’impose : de ce mouvement quasi contestataire, quelqu’un comme Sanjay Leela Bhansali, pour ne nommer que lui, a su adapter les codes de l’industrie hégémonique en lui insérant des apports formels indéniables, le plus souvent touchant à un lyrisme percutant.

Multiplier les mises en abyme

ou l’art tenace de conjuguer

Dans le cas de Kapoor, à l’instar d’un Woody Allen, par exemple, il apparaît parfois dans ses films, comme dans Akhon Dehki / Through My Own Eyes (2013), Kadakh (2019) et RK/RKAY. Une façon comme une autre de questionner son propre cinéma, de se persuader que son travail consiste à animer la dynamique culturelle d’un des pays les plus peuplés du monde. Le cinéma, constituant le principal et hautement lucratif divertissement, et encore aujourd’hui alors que les dérives des DVD / Blu-ray / Streamings et autres piratages ont envahi l’Occident.

L’art du cinéma, un dédoublement de soi.

Il s’appelle Mahboob dans ce récent opus, rôle principal du film qu’il tourne lui-même, avec un titre extravagant, puisqu’il s’agit d’un film grand public, histoire sentimentale et action garantis. Mais son monteur lui annonce un jour que le rôle principal a disparu des rush et des copies négatives, dans une séquence sentimentale entre le protagoniste et la femme de ses rêves.

Panique qui le conduit à une crise existentielle, exacerbée lorsque ce personnage se présente d’un coup dans la vraie vie, du moins la sienne, car il se l’imagine… et bientôt d’autres personnes de son entourage le voient. Assez d’ingrédients pour construire un récit entre l’art de création, les démons qu’il occasionne et dans le même temps une réflexion sur sa valeur éthique et, pourquoi pas, pédagogique et sociale de notre propre image.

Si RK se transforme soudainement en Mahboob, délaissant arbitrairement femme et enfants – une petite fille et un garçon qui semblent comprendre mieux que les adultes le fond des choses, force est de souligner la démarche binaire du réalisateur, juxtaposant deux histoires en divers éléments filmiques, deux récits qui se ressemblent et s’assemblent pour composer un tout cohérent, malgré les apparences. Tout autant que le spectateur, RK/Mahboob est parfois confondu, désorienté devant un réel totalement fictionnalisé.  Belle stratégie de mise en scène impliquant le regard du futur public.

Mais ce qui agace le plus RK, c’est de constater que son personnage est encore plus futé et surtout plus humain que lui-même, ayant choisi ce métier, souvent au détriment de sa vie familiale, même si ses êtres chers ne s’en plaignent pas.

Une histoire sentimentale. Et pourquoi pas?

L’humour est présent et Kapoor le déploie en l’adaptant à une vision occidentale des choses, même si agrémentée de concepts indiens, voire même locaux. Imiter la vie, la filmer; rendre compte face aux spectateurs que le cinéma tient un rôle important dans nos existences. Qu’il est le reflet de nos aspirations, de nos rêves, de nos haines, douleurs, amours et tout ce qui compose l’être.

Mais dans le même temps, témoigner d’un mode d’expression qu’il faut savoir habilement manipuler pour le rendre agréable, pour que nos pensées demeurent positives face aux aléas de la vie. Et surtout d’éviter de le prendre comme outil de propagande. Finalement, oui, réaliser que le cinéma est aussi un divertissement, mais pas que cela.

La mise en scène de Raj Kapoor, au même titre que celle de RK (même initiales) dans le film, est constituée d’instants cohérents, mais aussi de faux raccords intentionnels, de poussées de fièvres inattendues et de quelque chose d’idéologiquement irréconciliable, voulant que l’art de création est avant tout une expression intime, un mode de vie, une affirmation anti-démocratique, solitaire, mais portée aussi par une enivrante envie de vivre.

Sans oublier que Rajat Kapoor est un acteur formidable.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Rajat Kapoor

Scénario
Rajat Kapoor

Direction photo
Rafeh Mehmood

Montage
Suresh Pai

Musique
Sagar Desai

Rajat KapoorMultiplier les voies de la création.

Genre(s)
Comédie dramatique

Origine(s)
Inde

Année : 2020 – Durée : 1 h 35 min

Langue(s)
V.o. : hindi / s.-t.a.
RK/RKAY

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[ Outsider Pictures ]

Classement (suggéré)
Tous publics

Diffusion @
Outsider Pictures

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]