Le cinéma de banlieue : Représentation des quartiers populaires ?
Enjeux d’un cinéma entre réalité et fantasme

RECENSION.
[ Essai-Cinéma ]

★★★ ½

texte
Luc Chaput

Regard sur le cinéma français

récent issu de la diversité

            À Cannes 2019, le film de Ladj Ly Les Misérables remporte le Prix du jury et connaît une belle carrière publique tant en France qu’ailleurs. Ce long métrage comme plusieurs autres des années 2000 sont réalisés par des réalisateurs issus de la diversité. La politicologue Manon Grodner revient sur la définition de cinéma de banlieue et essaie de comprendre ce qui a changé dans ce domaine au cours des dernières trente années.

Depuis les années 1980 en France, de nombreux films se déroulent en banlieue et donnent comme La Haine de Mathieu Kassovitz une représentation plus hétérogène de ces milieux populaires qui font également l’objet de nombreux programmes d’aide et d’encadrement des diverses administrations publiques. L’auteure revient sur l’évolution du terme de banlieue depuis le 19e siècle et l’effet que la construction des barres d’immeubles a amené dans ces quartiers souvent qualifiés de difficiles par les médias.

L’arrivée de réalisateurs, producteurs ou autres artisans du cinéma issus de ces lieux et prenant leurs places comme naguère ceux de la Nouvelle Vague s’inscrit souvent dans un contexte d’autoproduction qualifié de cinéma de guérilla . En interviewant plusieurs des acteurs de ce changement, l’auteure reconstitue le parcours de leurs œuvres de la préproduction jusqu’à la sélection dans les festivals et donc la reconnaissance par les transmetteurs de la culture légitime (selon le terme de Pierre Bourdieu) qui ouvrent ainsi la voie à un succès habituellement réservé dans le circuit des salles d’Art et essai. Elle constate néanmoins que les comédies sont moins valorisées dans ce contexte.

Rempli de statistiques et soutenu par de nombreuses notes infrapaginales renvoyant à une bibliographie fournie, l’essai très solide de Manon Grodner ne lance malheureusement pas des points de comparaison vers d’autres cinématographies européennes comme l’Allemagne. Cela aurait pu être le sujet d’un chapitre sur ces cinéastes venant de l’immigration turque tel Fatih Akin et qui ont connu un succès certain. Cet ouvrage pourrait devenir un texte de référence pour les  agents de changement dans le domaine du cinéma. Il pourrait à plus ou moins long terme en  résulter en France des projets de longue haleine comme ceux de Steve McQueen sur la vie des communautés antillaises en Grande-Bretagne.

Manon Grodner
Le cinéma de banlieue :
Représentation des quartiers populaires ?
Enjeux d’un cinéma entre réalité et fantasme

Paris : L’Harmattan, 2020

(Logiques sociales)
256 pages
[ Sans illustrations ]
ISBN : 978-2-3432-0539-7
Prix suggéré : 44.95 $

ÉTOILES FILANTES
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