| Cinéma Beaubien.
20 ans de diffusion

HOMMAGE

texte
Élie Castiel

Risques calculés

Mario Fortin.

            Au départ, il était question d’une entrevue comme les autres, conventionnelle – Questions/Réponses – mais à mesure que le dialogue s’établissait avec Mario Fortin, tête pensante de cette salle de cinéma devenue mythique, nous avons décidé de transformer notre hommage aux 20 ans de la salle en appuyant le propos de nos mots, parfois entretenus par des réponses de Fortin. Cela nous a semblé une approche différente, dynamique, certes déjà utilisée par certains médias, mais inusitée,

Pour ne pas remonter trop dans le temps, le Beaubien était jadis Le Dauphin, situé dans l’arrondissement Rosemont-la-Petite-Patrie, autrefois territoire de quelques «cinémas de quartier», mais pouvant se vanter de présenter des Primeurs internationales considérées parfois de films d’auteur. Une fermeture plus loin, le Beaubien ouvre ses portes, augmente les salles et continue à projeter les films de toute tendances, majoritairement ceux qui comptent pour les cinéphiles et les critiques.

Risques? Bien entendu.

«Sans passer par quatre chemins, le coup d’opération d’une seule salle, trop élevée, a entraîné la construction de multiplexes, les cinémas à plusieurs salles, apportant avec eux différents modes de gestion dans la programmation et dans les habitudes des spectateurs. Les différentes formes de diffusion (en commençant, bien sûr, par le petit écran, le câble et, aujourd’hui, autres formes de reproduction des images animées, comme Netflix, HBO et les multiples ligues majeures) ont transformé le visage de la consommation des films.»

Une nouvelle aventure du regard qui s’assume et, consciemment, modifie rapidement les habitudes des spectateurs qui, eux, s’en accommodent du mieux qu’ils peuvent, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, admirablement bien. Sans compter, bien entendu, sur le phénomène des téléphones intelligents (les iPhones) où la petitesse des écrans ne signifie plus plus grand-chose pour les générations montante..

On vous évitera la saga Cineplex qui a dû fermer le Dauphin, une fois les bureaux déménagés sur la rue Emery. Il est juste de rappeler que la bâtisse ou se situe le Beaubien aujourd’hui est de facture culturelle faisant partie du patrimoine,  un édifice qui appartient en quelque sorte à la mémoire collective. Et justement, au-delà de la programmation, de l’exploitation des films et autres critères de gestion, il faut savoir aussi comment préserver ce patrimoine. C’est l’aspect le plus complexe à réaliser parce qu’il repose sur un signification abstraite. Mais Mario Fortin possède une expérience extraordinaire dans le milieu du cinéma.

«Il faut dire que l’expérience acquise dans des chaînes comme Cineplex, United Theatres et Famous Players a beaucoup contribué à enrichir ma connaissance des salles et, de surcroît, à assurer la pérennité d’une salle comme Le Beaubien. Il ne faut pas oublier que le Beaubien, tel qu’on le connait aujourd’hui a commencé comme un projet. Il fallait présenter un plan d’affaire. Les idéateurs m’ont demandé de m’en occuper. Très certainement, l’expérience dans le domaine compte pour beaucoup. Élaborer et réaliser un projet comprend des risques qui peuvent culminer vers l’échec

Salle 2 du Beaubien.

Mario Fortin est de ces bâtisseurs qui ne reculent devant rien. Les obstacles l’animent plutôt que de le décourager. Ce qui peut paraître comme une finitude, il le transforme en renaissance. Courage des gagnants.

Salle 1 du Beaubien.

Et que réservent les 20 prochaines années? Relève sans doute, courage de croire encore au cinéma. Après tout, le 7e art est la plus jeune des disciplines artistiques.
«Les 20 prochaines années!? D’abord je pense qu’il y aura toujours de la place pour une bonne partie de l’humanité qui aura besoin de vie sociale, c’est-à-dire de voir des gens, de sentir leur pouls, sans nécessairement partager des mots, mais en les voyant se comporter entre eux, côte à côte les uns des autres. Aujourd’hui, dans le domaine de l’exploitation, on mise beaucoup sur le côté évènementiel d’un film. Le public est intéressé à voir les artisans du film. Des gens qui leur ressemblent et qui le temps d’une projection les assemblent et discutent de leur création. Et lorsque leurs propos sont édifiants, cela ajoute à la compréhension du film. Et c’est alors que l’expérience en salle, devient un atout considérable. Les risques encourus diminuent ou du moins sont allégés de plusieurs crans.»

On ne peut donc que souhaiter longue vie au Beaubien, salle montréalaise indispensable qui a réussi à donner une pulsion déterminante à leurs consœurs, les cinémas du Parc et du Musée. L’arrondissement montréalais dont il est question ne peut qu’en être fier.