Les ponts de Prague
RECENSION.
[ Littérature ]
★★★★
texte
Élie Castiel
La première personne du singulier, un « je » assumé, identifie la narratrice de ces nouvelles éprises des pas supposément empruntés à Prague par l’incontournable Franz Kafka, auteur incontournable de la littérature mondiale et du drame existentiel.
Ces chemins de traverse, parfois ensoleillés ou, selon le cas, mâtinés de tonalités moroses s’appuient principalement sur l’approche des corps, ou mieux dit, sur son absence, sa tentative de pouvoir y accéder, non seulement (ou peut-être pas!) de façon charnelle, mais encore plus, viscéralement, tête et âme, sans qu’on se rende compte. Par instinct naturel.
« Et moi, je traverse un pont… Encore. » (p. 133) L’auteure ne peut échapper à sa condition. Autre, femme avant tout, créatrice, amoureuse des mots.
Il y a, dans Les ponts de Prague, titre hautement significatif, ces passages vers l’ailleurs, vers l’autre, vers soi-même, quelque chose d’élégiaque… « On entre dans cette librairie de Prague un peu comme en entre dans une église. On progresse à l’intérieur d’un souterrain rempli de livres qui sont laissés à l’abandon. » (p. 13) Double métaphore. D’une part, l’univers kafkaïen se dresse admirablement à travers ces contours sinueux et poussiéreux, propres à ses écrits; de l’autre, la narratrice (l’auteure?) assume sa condition de femme et surtout de créatrice littéraire, entourée d’idées, de réflexions, de possibilités de s’exprimer par l’écriture. Rien d’autre.
La solitude
d’une auteure de fond
Il y a quelque chose de courageux dans l’écrit de Danielle Dussault. Le style, aussi limpide que possible et tout autant spontanée s’adresse à celles et ceux qui réfléchissent en y ajoutant des accents poétiques à leurs pérégrinations intellectuelles et voient la vie comme un trajet inépuisable. Mais aussi le ton, ou plutôt les tons, les atmosphères qu’elle créées, toutes tributaires d’une capitale européenne qui a toujours le dernier mot. L’emprisonnement est séduisant, l’abandon total.
Mais ces divagations peuvent mener à la Solitude, titre d’une de ses nouvelles qui se termine par un poignant « je n’ai pas écrit, mais quelqu’un m’a parlé aujourd’hui. » (p. 81). La conteuse erre dans la capitale, au gré des saisons, des quelques personnes rencontrées, plusieurs femmes à qui elle peut ou pas s’identifier, des hommes aussi, qui lui montrent parfois et discrètement un certain intérêt. En vain?
Elle, la Québécoise qui se retrouve dans un ailleurs rêvé, envisagé au contact spirituel du célèbre auteur pragois, de qui elle s’inspire pour bâtir ce recueil de nouvelles dont la principale portée demeure le fascinant retour à la vie.
« Et moi, je traverse un pont… Encore. » (p. 133) L’auteure ne peut échapper à sa condition. Autre, femme avant tout, créatrice, amoureuse des mots.
Danielle Dussault
Les ponts de Prague : Nouvelles
(Collection « Réverbération »)
Montréal : Lévesque Éditeur, 01-2022
144 pages
[ Non illustré ]
ISBN : 978-2-8976-3149-9
Prix suggéré : 18,95 $
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]