Sexual Misconduct of the Middle Classes

Le

sexe

est

(toujours)

un

sport

de

combat

 CRITIQUE.
[ Scène ]

★★★★

texte
Élie Castiel
Une plume acérée, plus que libre, visée par un postulat
puisque la proposition est encore à démontrer alors
que les mentalités, en principe, sont encore en voie de
remise en question. Notamment en ce qui a trait aux
Hommes. Marqué par sa mouvance post-#MeToo, le
texte de la Canadienne Hannah Moscovitch séduit,
désoriente (encore une fois, l’Homme hétéro) dans
ses intentions les plus intimes.

Que dit-elle, entre autres, la pièce en question? Est-ce possible de ne penser qu’à la rapidité de l’acte? Et pourquoi pas à cette attitude chasseresse masculine qui a toujours été la pierre de lance depuis les temps immémoriaux? Questions sur l’intimité, sur la sexualité bien entendu, sur le mécanisme biologique ou au contraire, psychologique? Deux dynamiques qui se confrontent, face à face, douloureusement, peut-être bien sans victimes, mais laissant les protagonistes de l’aventure quelque part blessés.

Elle a 19 ans, étudiante à la fac; il est prof, évidemment mûr, séparé de sa femme. Elle le séduit (le Nabokov de Lolita et le Philip Roth habituel ne sont pas si éloignés que cela).

L’Homme, encore une fois hétéro, autrefois menant le bal à sa guise, selon ses propres conditions, est tout d’un coup psychologiquement malmené par cette nouvelle ère dans les relations hommes-femmes. Devenues adultes, à l’âge où on peut être libre de ses choix, les adolescentes ayant grandi à l’heure d’Internet, des réseaux sociaux, des nouvelles donnes sociales, choisissent les méthodes de la séduction, les contours d’une relation, les possibilités de la maintenir ou de la quitter. C’est bien simple.

Post-coïtum animal triste.
Crédit : André Lanthier

Mais si on suit la logique narrative de Sexual Misconduct of the Middle Classes – Vraiment? Middle classes seulement? Cela n’est-il pas l’apanage de toutes les couches sociales en ces temps de réaffirmation de la femme?

Quoi qu’il en soit, à première vue, la pièce de Moscovitch assure un comportement où ce sont, du moins pour Annie (excellente Inès Defossé) les codes de l’entichement qui dominent. Pour Jon (comme d’habitude, Marcel Jeannin impeccable), qu’en est-il? Son âge, sa position sociale, son état civil, sa responsabilité face à un poste de professeur probablement convoité, sans compter les effets de la mouvance sexuelle des dernières années, tous ces ingrédients, sauront-ils avoir raison de lui? Ou, au contraire, va-t-il s’en tenir aux vieux instincts (principes) mâles, il faut l’admettre, qui se perdent dans la nuit des temps? L’Homme, le chasseur; la Femme la proie. Un moment où les règles de la conduite sont bafoués pour simplement quelques courtes secondes (façon de parler) de jouissance vite expédiées.

Soudain, plus rien ne compte.
Crédit : Andrée Lanthier

Mais Moscovitch s’intéresse surtout à l’avant et à l’après de cette relation purement biologique. La séduction, les conséquences. C’est quand même important. Nos amis anglo-saxons appellent cela foreplay – en français, « préliminaires » peut sembler bancal.

Elle aime (est-ce bien le cas) et lui non plus. Elle assume. Il ne tient pas tant que ça. Ce jeu d’intimité, sournois, incisif, dominé par des intentions parfois peu louables, également sincères par moments, s’organisent autour d’un étrange rituel humain où les deux sexes sont en confrontation intense, l’un contre l’autre, l’un vers l’autre, cédant parfois à une sorte de pacte provisoire, le temps de reprendre son souffle.

La mise en scène de Eda Holmes relativise le moment, se permet des sous-entendus parfois féroces, s’adonne à des libertés souveraines, séduit l’auditoire par de simples et subtilement provocantes intentions. Holmes joue intentionnellement sur plusieurs fronts. À chacune, à chacun de tirer ses propres conclusions.

Nous tenons à souligner l’extraordinaire travail de Luciana Burcheri en tant que coach dans les scènes intimes. Les envolées charnelles deviennent des mouvements chorégraphiques. Les corps se détachent de la raison, les instincts finissent par lâcher prise, les caresses font partie d’un rituel qui s’inscrit dans une dynamique tout à fait naturelle. Mais derrière cette étreinte, c’est le vocable « consentement » qui affiche toute sa particularité. Jeannin et Defossé, passionnellement irréprochables.

La production est impeccable. Notamment dans le décor et les costumes de James Lavoie, surtout en ce qui a trait aux tenues de Annie, où le rouge métaphorique domine, lui administrant toute la complexité; dans le cas de l’Homme, toujours les mêmes vêtements – dans son cas, sa virilité est son seul attribut, après tout, n’est-ce pas seulement la performance qui compte?

Normal ou simple fantaisie?

Avec les nouvelles donnes sociales en matière de relations entre les deux sexes, où nous conduiront indubitablement les années à venir dans cette deuxième décennie du nouveau siècle.

ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Hannah Moscovitch

Mise en scène
Eda Holmes

Assistance à la mise en scène
Chelsea Dab

Régie
Danielle Skene

Interprètes
Marcel Jeannin (Jon)

Inès Defossé (Annie)

Coach (scènes d’intimité)
Luciana Burcheri

Décors / Costumes
James Lavoie

Éclairages
Sonozo Nishikawa

Musique
Sara Neufeld

Durée
1 h 30 min

[ Sans entracte ]

Classement suggéré
Déconseillé aux jeunes enfants

Diffusion & Billets
@ Centaur
Jusqu’au 27 novembre  2022

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]