Je t’écris au milieu d’un bel orage

CRITIQUE.
[ Scène ]

★★★★

texte
Élie Castiel

Le décor de Max-Otto Fauteux, jumelé à la proposition scénique de Maxime Carbonneau correspond à un état d’esprit créé par la plume à la fois sensible et joliment égarée de Dany Boudreault.

Un décor qui enveloppe
les personages.
Crédit : Yves Renaud.
Idem pour la photo de droite.

Les immenses rideaux verticaux, d’un blanc quasiment délavé, et qui abritent une correspondance en vidéo de quelques faits et gestes du personnage de Maria Casarès ne sont que la métaphore du temps, de l’instant, du moment qui passe et tente malgré et contre tout de se stabiliser pour l’éternité.

Interstices

affectifs

Du moins dans l’esprit de ces deux exilés du banal quotidien, l’écrivain et la comédienne, pour qui l’amour physique et le discours sur les mots exprimés par correspondances épistolaires renouent avec une nouvelle mise en scène de l’acte de la représentation.

Anne Dorval exprime tous ces sentiments de la féminité exprimés par l’acte théâtral, par ses interprétations de personnages féminins des grands classiques. Une exagération que diffuse sans arrière-pensée la mécanique dramaturgique de l’époque. Et qui se prolonge lors des ébats amoureux avec son « amant » et bien plus, lors des partages, parfois indivis, des échanges intellectuels. Dorval brille par sa présence, son apologie du geste précis, sa désinvolture affective et son respect, plus ou moins, de l’ « autre » vie de Camus.

Albert Camus est campé par Steve Gagnon, on doit admettre loin de la silhouette élancée du vrai homme de lettres. Il doit donc composer avec ce que l’art de l’interprétation peu lui offrir. Pari réussi dans son approche de la langue, ses déplacements sur la scène, ses sorties de l’espace principal comme s’il s’agissait, à juste titre, d’un fantôme qui disparaît et n’apparaît de nouveau que pour respecter la continuité.

[ la ] fin de ce récit fait de missives tantôt amoureuses, parfois dramatiques, se transforme en un face-à-face désemparé qui souligne profondément le côté mythique de ces partages épistolaires.

Maxime Carbonneau tient mordicus à quelque chose qu’on appelle la « mesure ». Cette action indicible tient sur un fil sensible prêt à se briser; et le miracle s’accomplit lorsque le metteur en scène reconstruit et déconstruit incessamment et graduellement sa perspective.

Certains moments sont de purs joyaux de l’art dramaturgique. Notamment lorsque la partie du décor qui présente la voiture accidentée (responsable de la mort de Camus) se brise sur dans l’arrière-scène. Effet de mise en scène fracassant, alors que retour sur le temps et réalité initiale se joignent pour ne créer qu’un seul moment. L’art dramatique se permet un extraordinaire tour de piste qui ne dure que quelques secondes. La fusion entre deux exilés, l’espagnole abreuvée de culture française et le pied noir qui pratique sa langue originale en terre coloniale est accomplie. Et la fin de ce récit fait de missives tantôt amoureuses, parfois dramatiques, se transforme en un face-à-face désemparé qui souligne profondément le côté mythique de ces partages épistolaires.

ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Création
Danny Boudreault
D’après Albert Camus, Maria Casarès :
Correspondance (1944-1959)

Mise en scène
Maxime Carbonneau

Assistance à la mise
en scène & Régie
Stéphanie Capistran-Lalonde

Interprètes
Anne Dorval (Maria Casarès)

Steve Gagnon (Albert Camus)

Décor
Max-Otto Fauteux
Costumes
Marie Chantale Vaillancourt
Éclairages
Julie Basse
Son
Joël Lavoie

Musique originale
Antoine Bédard

Vidéo
Jérémie Battaglia

Production
Théâtre du Nouveau Monde
en collaboration avec
La Messe Basse

Durée
2 h

[ Sans entracte ]

Diffusion & Billets
@ TNM

Jusqu’au 19 février 2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]