Pierre Jutras
< 1945-2023 >
HOMMAGE
[ Je vous salue… ]
texte
Luc Chaput
Au revoir et merci
On le croisait encore l’automne et l’hiver dernier, élégamment habillé, aux visionnements de presse et dans les festivals ou à la Cinémathèque dont il avait été programmateur pendant trente-trois ans.
Il avait tout d’abord connu une introduction au cinéma comparable aux personnes de sa génération d’après-guerre. Enseignant cinéphile, il avait pris la décision d’étudier dans ce domaine et était diplômé de l’IAD (Institut des arts de diffusion) en Belgique mais aussi spectateur très assidu de la Cinémathèque royale de Belgique dirigée avec une rigueur bonhomme par Jacques Ledoux.
Un concours de circonstances l’amène à devenir responsable du cinéma canadien et québécois dans l’institution équivalente montréalaise dont la salle de projection était alors au sous-sol de la Bibliothèque Saint-Sulpice. Cofondateur avec Pierre Véronneau de Copie Zéro, il dirige la publication de nombreuses monographies dont une sur son ami Claude Jutra auquel il consacrera plus tard un dossier complet sur À tout prendre.
Lecteur passionné, mélomane, il puisait également dans ces autres arts cette culture qui lui permit d’être si longtemps un découvreur de cinéastes et propagateur de leurs œuvres.
Son court métrage Lamento pour un homme de lettres, gagnant du prix Alcan décerné par un jury AQCC au FNC en 1988, évoquait avec éloquence la lutte quasi solitaire de l’artiste dans l’ancienne grande noirceur du début du XXe siècle. Son implication quotidienne et multiple lui aura permis d’être, avec ses collègues Robert Daudelin et René Beauclair, directeur avisé du centre de documentation, ces doctes passionnés conviant des générations successives de cinéphiles à partager ce spectacle d’ombres électriques sur grand écran dans une salle assez souvent subjuguée.