Une conjuration
@ Espace Libre

 

| ARTS DE
LA SCÈNE |

CRITIQUE
[ Théâtre ]
Élie Castiel

★★★★ ½

Pour un

manifeste

philosophique

du sacré

L’homme-acéphale et sa métaphore.
Crédit : @ Marlène G. Payette

La foi, l’économique, l’individuel, autrement dit, l’existentiel, se trouve dans le manifeste écrit par le Français Georges Bataille en 1936. Face à la menace qui sévit en Europe, le nouveau régime allemand, avec les conséquences que l’on sait.

Pour Alexis Martin, figure essentielle dans le milieu de la scène québécoise, un réservoir d’idées théâtrales pour cimenter l’Histoire contemporaine et celle du milieu du dernier siècle, sans aucun doute la plus tragique.

Aujourd’hui, Une conjuration, pièce finalement présenté après des essais avortés dus à la pandémie, trouve un auditoire prêt à suivre ce trajet intellectuel entre deux personnages de l’intelligentsia hexagonale, Bataille, bien sûr, et le peintre Alain Masson.

Entre les deux, une fusion d’idées, de correspondances réciproques qui fondent leur idéologie du monde et de l’Humain comme des leçons retenues de la Rome antique, mais plus particulièrement de la Grèce. Avec ses Dieux et Divinités créés par les Hommes.

Sans oublier leur création de la revue Acéphale, nom prédestiné qui donne tout son sens à leur idéologie.

Comment ne pas adhérer à quelque chose qui lie si intrinsèquement « humain, terrestre » et « céleste ». Un dialogue non pas de sourds, mais de constant combat entre le Bien et le Mal, entre les fondements sociaux et les changements promulgués par la démocratie.

Une conjuration est présentée à l’intérieur d’un Espace Libre totalement transformé pour la circonstance, s’appuyant sur un non-espace dramatique en forme de « forum » public, quasi de fortune, l’atelier d’un peintre qui, par le biais de ses influences surréalistes, siège son lieu de travail là où il y a de la place, et un Bataille qui clame ses idées devant un public qui l’écoute ou pas. Comme les anciens orateurs.

L’orateur et le regard vers le sacré.
Crédit : @ Marlène G. Payette

Pour Bataille, sa Conjuration sacrée, c’est avant tout une idée en constante évolution, selon l’état du monde et de ce que les hommes et les femmes en font. Mais comment réagir face à nos peurs, nos doutes, notre souci d’un avenir incertain. Des propos, en tout cas, d’aujourd’hui.

Ariane et Thésée.
Crédit : @ Marlène G. Payette

La mise en scène de Daniel Brière, lui aussi artiste de la scène, proche de l’auteur et enthousiaste participant au projet, soumet le spectateur à une joute scénique, un environnement auquel on n’est pas habitué. Au premier rang, à quelques mètres des protagonistes-complices, nous sommes les témoins d’un véritable saut dans l’Histoire d’hier et d’aujourd’hui.

Bataille ne peut être que le puissant Alexis Martin. Toute la déférence intellectuelle, l’énergie de ton, les envolées lyriques.

Les propos sont philosophiques mais écrits dans un esprit vulgarisateur afin que le plus grand nombre participe de ce jeu d’idées, d’analogies et de sens pluriels quant au passé, au présent et au devenir de l’Homme et de la Femme.

Il y a des ruptures, comme cette intrusion dans la Grèce antique où Ariane, fille du roi de Crète, et Thésée, racontent leur histoire de fil (ici, rouge) qui constitue un aparté sensationnel dans cette Conjuration. Donnant ainsi à Catherine De Léan de parfaire son talent.

Bataille ne peut être que le puissant Alexis Martin. Toute la déférence intellectuelle, l’énergie de ton, les envolées lyriques. Masson, dans les traits de Maxim Gaudette, exploite ce côté rebelle, quasi animal du peintre en question – Il sera aussi Thésée, héros de l’Attique qui a combattu le Minotaure, dans une prestation aussi jouissivement caricaturale que dramatiquement inspirée.

Une leçon d’Histoire, un cours de philosophie adapté à l’air du temps. Un exemple, pour Espace Libre, de théâtre participatif et nettement inspirant.

FICHE ARTISTIQUE
Texte
Alexis Martin

Mise en scène
Daniel Brière

Assistance à la mise en scène
Alexandra Sutto
Interprètes
Catherine De Léan

Maxim Gaudette
Alexis Martin

Scénographie
David Gaucher
Costumes

Claire Geoffrion
Éclairages
Lucie Bazzo

Vidéo
Lionel Arnould
Intégration vidéo
Pierre Laniel

Musique
Jonathan Parant

 

Durée
1 h 30 min

[ Sans entracte ]

Diffusion & Billets @
Espace Libre
Jusqu’au 10 novembre  2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]