Homicide
@ Prospero

| ARTS DE
LA SCÈNE |

CRITIQUE
[ Théâtre ]
Élie Castiel

 

Le

saut

dans

le

vide

★★★★ ½

Un miroir fascinant de soi.
Crédit : @ Camille Gladu-Drouin

Au cinéma et bien plus encore sur scène, il y a, dans l’acte sexuel entre deux hommes, même simulé, quelque chose qui rend encore inconfortable la grande majorité des spectateurs, toutes orientations sexuelles confondues. Une réaction sociale qui se perd dans la nuit des temps et selon laquelle les individus de sexe masculin doivent être capables de contrôler leurs pulsions, ou aller savoir pourquoi. Entre deux femmes, ça rend l’image sans doute plus subtile, douce, caressante; du moins dans la pensée de la majorité. Encore une fois, allez savoir pourquoi.

Homicide, ou la dérive du corps social : Le texte du Québécois Pascal Brullemans, dans toute son énergie, son impudeur intrinsèque, risquons même de dire son humour macabre, est un « wake-up call », un état des lieux du comportement humain dans les nouvelles sociétés, urbaines, régionales ou éloignées. Non seulement en Occident, mais à l’intérieur d’un concept mondial où les fondements originels sont totalement foudroyés par un processus hautement technique hors de contrôle.

Au nom d’un individualisme forcé par l’émergence des réseaux sociaux qui ont renvoyé les liens entre individus d’antan aux calendes grecques, perdus à tout jamais. C’est ce que l’on retient dès le début de cette pièce incendiaire, brûlot de sexe pour le sexe, de passion inachevée, d’immense solitude qui ne tient pas à dire son nom.

Dépecer ce qu’on a possédé charnellement auparavant. Et puis, l’acte irréversible. L’affaire Magnotta, il y a une vingtaine d’années, relance le débat sur les cas extrêmes, mais plus que tout, soumet l’individu à ses fantasmes les plus intimes, aussi horrifiques qu’ils soient, qu’il faut absolument assouvir, au nom d’un individualisme totalement écarté de la réalité. L’autre ne compte plus.

Brullemans a construit un texte qui ne prend pas ses distances avec les mots et les situations. Et Danny Boudreault, totalement nu ou presque, selon les circonstances, se jette entièrement dans le vide, assumant un rôle exigeant, casse-gueule, déchirant par son côté glacial, vénéneux. Sur scène, il contribue de ce jeu inquiétant avec les forces du mal. Comme si les Dieux lui avaient jeter un mauvais sort.

Une immersion intentionnellement provocatrice.
Crédit : Camille Gladu-Drouin

Simplement pour exister, comme il nous le rappelle à maintes reprises. Quel que soit le prix à payer.

Et pourtant, par son jeu remarquable, il réussit à convaincre les spectateurs du bien fondé de son acte irréversible. L’auditoire, pris entre la splendeur macabre du spectacle qu’il voit d’un regard aussi voyeur qu’inquiétant, et ce qu’il retient de l’Affaire dont il se base, est constamment suspendu, gêné, pris dans la tourmente d’une morale, d’une éthique contestée.

Il faut saluer le concept vidéo de Julien Blais et la scénographie de Marilène Bastien qui frappent de plein fouet le conscient de l’assistance, notamment ces immenses gros plans qui semblent s’immiscer corporellement en chacun de nous.

La mise en scène, remarquable, intransigeante, écorchée, de Nini Bélanger, est littéralement une entrée dans le monde intime de l’anatomie d’un crime répugnant. Et surtout expliqué, en paroles et en comportement, comme s’il s’agissait d’une simple anecdote.

Il faut saluer le concept vidéo de Julien Blais et la scénographie de Marilène Bastien qui frappent de plein fouet le conscient de l’assistance, notamment ces immenses gros plans qui semblent s’immiscer corporellement en chacun de nous.

Un moment de théâtre québécois fascinant, prestigieux, assumant son côté faussement voyeur, ne retenant pas son souffle, remettant en question les fondements de ce que peut être la fonction du drame scénique contemporain. Dans ce récit, véritable « je t’aime, je te tue », tous les coups sont permis.
Tenant compte de ce qui se passe aujourd’hui dans le monde, guerres notamment, massacres par des schizophrènes chez nos voisins du Sud ou ailleurs, force est de souligner que la pièce de Brullemans possède des connotations politiques.

FICHE ARTISTIQUE
Création
Projet MÛ
Texte
Pascal Brullemans
Mise en scène
Nini Bélanger

Assistance à la mise en scène
Roxanne Gallant
Interprètes
Danny Boudreault

Christian Rangel

Scénographie
Marilène Bastien
Costumes
Marilène Bastien
Lumières
Cédric Delorme-Bouchard

Concept Vidéo
Julien Blais

Musique
Navet Confit

Durée
1 h 35 min

[ Sans entracte ]

Public suggéré
Interdit aux moins de 16 ans

Diffusion & Billets @
Prospero
[ Salle principale ]
Jusqu’au 11 novembre  2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]