Nederlands Dans Theater
@ Place des Arts
CRITIQUE
[ Danse ]
Élie Castiel
★★★ ½
Un tryptique (quasi)
mémorable de la NDT
Il était évident que la pièce la plus importante de la soirée serait Jakie, des chorégraphes israéliens Sharon Eyal et Gai Behar, dont on a apprécié à sa juste valeur le désormais incontournable Soul Chain, récemment à Danse Danse.
Avant ce morceau de bravoure, The Point Being, des chorégraphes Imre Van Opstal et Marne van Opstal, un duo énergique dont la substance organique de l’ensemble se transmet d’un danseur à l’autre avec une incroyable énergie. Entre les interprètes, des correspondances qui facilitent la communication et permettent également des démembrements voulus, pour ensuite atteindre une sorte d’unification salutaire. Comme si après tout, la danse contemporaine (sans doute la classique aussi) ne serait qu’un va-et-vient incessant entre la rencontre et la rupture. L’absence, l’abandon, la conciliation. Autant de thèmes qui, par les temps qui courent, situe l’art chorégraphique, si on pousse loin la réflexion, dans un espace politique. La composition musicale d’Amos Ben-Tal contribue largement à atteindre le but fixé. Beau décor où la neutralité se permet, tout de même, une certaine sophistication.
Après la première pause, One Flat Thing, reproduced, où le maître de danse William Forsythe signe également la scénographie et les éclairages. Nous avouons ne pas avoir très bien compris les intentions. Tout un assemblage métallique où l’unique propos nous semble être, comme toujours dans la danse moderne actuelle, quelque chose d’ésotérique ; les corps désemparés qui tentent de s’unir, mais pris par une sorte d’intervention venue de l’extérieur, ne peuvent que se séparer, essayer de se réunir de nouveau, ou encore, tomber dans l’oubli. Un exercice court, un peu ennuyant et répétitif par moments, en dépit de la musique de Tom Willems, elle aussi antagonique.
Les mêmes danseurs sont au rendez-vous dans les trois œuvres. La pièce de résistance nous offre un univers scénique et visuellement chorégraphique à part. Si Jacquie débute par la musique magnifique du regretté Ryuichi Sakamoto, tel qu’arrangé of Ori Lichtik (également de Soul Chain) et se prolonge dans d’autres airs de la musicologie mondiale, les interprètes, ensemble déchirant et cette fois-ci, plus réunis, comme s’ils confrontaient le temps malgré ses ravages, ses humeurs, ses malentendus, ses sautes d’humeur. Chez Eyal, s’agit-il d’une arme de combat par le biais de la danse ? La mise en perspective de la culture comme moyen d’endiguer les mouvements de foule trop néfaste ?
Sharon Eyal, peut être inconsciemment (mais je crois qu’elle en est) est une chorégraphe, à l’instar de son compatriote Ohad Naharin, dont on présentera bientôt à Danse Danse une de ses chorégraphies, ne peut qu’être « politique » ; les enjeux de ce bout de terre du Proche-Orient soumis à toutes les interrogations et qui réussit, malgré les controverses parfois complexes, souffrantes, à bâtir une œuvre chorégraphique quasi militante, sans que ça se voit trop. Jackie respire, tremble, reprend son souffle. L’obscurité du décor, un fond noir qui simplement projette la lumière sur les corps en complète unisson malgré tout, n’est que la métaphore d’un état du monde en quête incessante de réconciliation. Et comme toujours, la sensualité est au rendez-vous.
Durée
2 h 10 min
[ Incluant 2 entractes ]
Public (suggéré)
Tout public
Diffusion & Billets @
Danse Danse
[ Théâtre Maisonneuve ]
Jusqu’au 5 mars 2024
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]