Written on Skin
CRITIQUE
ART LYRIQUE
texte
Élie Castiel
★★★ ½
Un peu plus de 90 minutes pour couvrir un récit de vengeance passionnel qu’aurait fort apprécié tous les Dalí, Breton et autres Jean Genet de ce monde. C’est la première fois que j’ose dire qu’il s’agit d’un opéra de chambre moderne réellement « sexy » – même si ça se passe au moyen-âge au 12e siècle – Car Martin Crimp ne passe pas par quatre chemins pour exprimer les choses de l’amour, de la sexualité et du désir incarné. Son texte est en fait, en dépit de l’époque incarnée, intentionnellement anachronique, un puzzle, un jeu délicat qui peut se briser à tout moment, un véritable capharnaüm de mots qui se contredisent et entrent en conflit avec la continuité du récit, pourtant claire et limpide. Les époques se juxtaposent.
Un singulier
manifeste du surréalisme
Et puis George Benjamin, sans doute disciple du moderniste Benjamin Britten, dont certaines tonalités et ruptures l’évoque. On pense même, de façon rapprochée à Boulez, post-moderniste. La partition musicale est en cohésion et au diapason de cet opéra en trois parties. Les personnages : Agnès (voix très agréable de Magali Simard-Galdès – très assidue selon les circonstances du récit, celle par qui le scandale arrive ou plutôt en est la victime; le Protecteur, qui donne la voix à Daniel Okulitch (sa prononciation ressemble plus à de l’allemand qu’à de l’anglais); le Garçon, Marie et John, et les trois anges. Luigi Schifano, le Garçon et l’un des anges, énergique, revendiquant parfois ses origines latines, ou plutôt italiennes.
Un va-et-vient continuel entre l’impatience assouvie et le désir interdit. Une jeune fille en phase de devenir femme; un garçon artiste qui succombe à la chair; et l’homme, l’adulte, entre l’image-père et les tentations de l’inceste.
Œuvre radicale, Written on Skin navigue selon la signification de son propre titre, là où la peau extériorise tout ce qu’elle cache. Et un décor aussi simple que majestueux qui change justement de peau (sans jeu de mots) par de simples mouvements des pièces à conviction.
On sort de la salle désorienté, puis fière d’évoluer dans un art de son temps, marqué du sceau de ce nouveau siècle.
On signalera l’excellent choix vestimentaire de Philippe Dubuc et la scénographique d’Alain Gauthier, elle, symétrique, chaleureuse malgré la froideur du propos et, mine de rien, respirant le même souffle enlacé des protagonistes, dans un sens, tous accidentés de leur temps.
Tout compte fait, en ce qui a trait à l’art lyrique, un véritable manifeste surréaliste en raison de ses multiples disjonctions volontaires et fièrement rebelles.
On sort de la salle désorienté, puis fière d’évoluer dans un art de son temps, marqué du sceau de ce nouveau siècle.
< DRAME EN TROIS PARTIES >
ÉQUIPE DE CRÉATION PARTIELLE
Auteur
Martin Crimp
Musique
George Benjamin
Pupitre
Nicole Paiement
Orchestre symphonique de Montréal
Participation
Rizumu Sugishita, harmoniciste de verre
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Mise en scène
Alain Gauthier
Décors
Olivier Landreville
Éclairages
Éric Champoux
Costumes
Philippe Dubuc
Production
Opéra de Montréal
[ Nouvelle production ]
Durée
1 h 34
[ Sans entracte ]
Représentations
Les 28 et 30 janvier 2020 – 19 h 30
Le 2 février – 14 h
Place des Arts
(Salle Wilfrid-Pelletier)
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]
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