A Good Man

SUCCINCTEMENT
Aude et Benjamin s’aiment et vivent ensemble depuis six ans. Aude souffre de ne pas pouvoir avoir d’enfant alors Benjamin décide que c’est lui qui le portera.

CRITIQUE.
[ Inédit ]
Industry Selects / TIFF 2020

texte
Élie Castiel

★★★★

De Marie-Castille Mention-Schaar, on retiendra la sensibilité des Héritiers (2014), la tendresse du Ciel attendra (2016) ou le ton plus léger, efficace de La fête des mères (2018); et dans les trois films, la présence de Noémie Merlant, comédienne fétiche, sûrement à l’aise dans divers rôles, souvent atypiques.

Dans le cas de A Good Man, bien plus que « sûrement », comme depuis sa naissance, Merlant attendait de camper un personnage aussi beau, majestueux, si actuel par les temps qui courent, au diapason d’une société occidentale en mutation, réinventant les enjeux sexuels en y injectant non seulement des attributs biologiques, mais bien plus que ça, leur octroyant des idées, des remises en question de l’ordre du politique et du social. Sans oublier l’intime, le laissé-pour-compte depuis fort longtemps au nom d’une morale patriarcale héritée depuis la nuit des temps.

Enjeux capitaux

A Good Man, et pourquoi un titre en anglais? Pour mieux vendre un produit qui de toute évidence, provoquera les plumes autant des éditorialistes que des critiques, indignant ou au contraire célébrant également les échos des sociologues de tout acabit? À moins que ce foutu virus ne fasse encore des siennes, la sortie en France est prévu pour février 2021. Au Québec, à suivre…

Mais encore une fois, pourquoi un titre anglo-saxon? : pour atténuer le propos? Pour que l’accès soit possible à un nombre croissant de spectateurs? Par reconnaissance de l’Anglais comme langue internationale? – Sur ce point, un des personnages du film dira à un moment qu’après tout « C’est un bon mec ». Pourquoi pas comme titre français Un bon mec?

Qu’importe puisque Benjamin et Aude s’aiment d’un amour sincère depuis qu’ils se sont rencontré dans une discothèque et que Benjamin n’était pas encore Ben. Ce premier champ/contre champ quasi manqué en forme de flashback dénote jusqu’à quel point la mise en scène, pourtant classique, utilise les codes traditionnels de la narration avec un goût raffiné de la litote et de la syntaxe cinématographique pour permettre l’éclosion d’une merveilleuse histoire d’amour.

Si au début du siècle, nous avions mis en évidence qu’il sera celui de la femme, force est de souligner qu’il sera aussi celui des identités.

Avec un goût prononcé pour les gros plans, notamment sur le visage de Benjamin (méconnaissable Noémie Merlant). Cette actrice, nombreuses preuves à l’appui, est en phase de devenir l’une des plus intéressantes de sa génération; dans Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma et plus récemment, Jumbo de Zoé Wittock, elle campe des personnages en dehors du temps et de la réalité, comme si par magie, elle redéfinissait les règles de la sexualité féminine. Mais c’est également dû au fait qu’à l’instar de A Good Man, ce sont des femmes réalisatrices qui la dirigent. Des femmes fortes, comme Claire Denis, par exemple; des femmes qui imposent leur vision du monde et surtout de la femme dans une société en pleine évolution, notamment sur le plan des orientations sexuelles. Comme c’est le cas aussi de Soko qui, par moments, dans les quelques flashbacks, ressemble à Merlant, les deux se confondant dans un jeu de pistes parallèles fabuleux. Comme dans La danseuse (2016), de Stéphanie Di Giusto, elle s’implique totalement, octroyant à son personnage une aura de mystère et de compassion.

Il y a une brillante mise en scène dans A Good Man, livrant à chaque séquence des petits tours de prestidigitation qui bouleversent nos valeurs, notre quotidien et mine de rien, imposent (sans néanmoins insister) de nouveaux modes de pensée. Benjamin, dans la peau de Merlant nous obsède; fragilise notre esprit, hypnotise notre regard; à chaque plan où elle apparaît le cadre s’illumine comme par enchantement. Nous sommes séduits également par un niveau d’écriture signé Mention-Schaar et Christian Sonderegger (sa première co-scénarisation majeure). Le verbe et rien d’autre, mais celui qui compte, sans temps morts, sans redites. Chaque syllabe assume sa condition.

Procréer. Est-ce donné à tout le monde? Et s’il était possible et tout à fait légitime même dans ce nouveau monde en devenir. Si au début du siècle, nous avions mis en évidence qu’il sera celui de la femme, force est de souligner qu’il sera aussi celui des identités.

FICHE TECHNIQUE
Réalisation
Marie-Castille Mention-Schaar

Scénario : Marie-Castille Mention-Schaar

Origine : France

Année : 2020 – Durée : 1 h 47 min

Image : Myriam Vinocour

Montage : Benoît Quinon

Musique : Ronan Maillard

Son
Dominique Levert
[ Florian Cornet
Agathe Poche
Christophe Vingtrinier ]

Direction artistique : Isabelle Quillard

Costumes : Isabelle Mathieu

Interprètes
Noémie Merlant, Soko
Vincent Dedienne, Jonas Ben Ahmed
Yorgos Filipakis, Geneviève Mnich
Gabriel Almaer, Allyson Paradis
Anne Loiret, Geneviève Cleda

Producteur(s)
Marie-Castille Mention Schaar
Pascal Ralite

Contact @
 Willow Films

[ Paris – FRANCE ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]