Acts of Love

I N É D I T
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SUCCINCTEMENT
Quitté par son amoureux, le cinéaste déménage à Chicago et utilise des applications de rencontre pour inviter de nouveaux amants dans un projet de film que sa mère rejette.

CRITIQUE.
[ Sphères LGBT ]

texte
Élie Castiel

★★★ ½

Isidore Bethel joue ici son propre rôle. Objectivement, ce n’est pas tout à fait vrai. Il se donne un rôle qu’il nomme, comme lui, Isidore Bethel, comme dans la vraie vie. Cette mise en abyme peut être vue comme un exercice narcissique, que sa mère, qu’on ne verra jamais, seulement par voix téléphonique, critique sans cesse. Une mère, soyons francs, ouverte d’esprit et tolérante même si au fond, elle trouve de parois le moyen de critiquer le style de vie d’Isidore.

Il se défend bravement en utilisant une approche, une stratégie quasi guerrière. Il faut avouer qu’en termes de mots, de paroles bien senties, il se défend admirablement bien en faisant semblant d’être toujours la victime. Un artiste né.

En fait, dans cet essai documentaire à la première personne, le réalisateur est le seul complice du récit. Les amants de passage sont des hommes plus âgés que lui (Père absent? Soutien moral? Simple attrait pour les plus vieux que lui?). Qu’importe, puisque ce qui étonne dans Acts of Love, qu’on pourrait simplement traduire en français par Actes d’amour, est avant tout un exemple de mise en scène déconstruite, le documentaire et la fiction ne faisant qu’une seule unité cinématographique qui n’arrête pas de se remettre en question.

Derrière le miroir sans tain

Le cinéma se double ici d’une mission bouleversante : simuler la vie.

S’exposer volontairement, intentionnellement, comme pour non seulement défendre une certaine vérité de soi, en soi, mais plus que tout, participer à un exercice de style qui remet en cause les principes mêmes de ce que le cinéma veut dire, de ce qu’il a pour mission de montrer, de suggérer, de transformer.

Telles sont les conditions pour mieux comprendre la personnalité égocentrique du personnage. Pourtant d’un charme absolu, beau gosse, centré sur lui-même, faisant parfois le difficile. Mais au fond, il y a là un cinéaste jeune, lumineux, touchant, jouant avec le médium en le questionnant à tout bout de champ. Faisant du champ/contrechamp et du gros plan non seulement des facteurs formels propre à la réalisation, mais surtout la promesse d’une interrogation sur le cinéma et ses objectifs.

Car en fin de compte, Acts of Love (quel titre merveilleux!) est foncièrement un poème qui se conjugue au « je ». Et puis, quel est le problème? Pourquoi pas exister par le cinéma? Dans le cinéma? Isidore Bethel est très certainement un réalisateur à suivre car on sent déjà des influences, certes cachées, d’un Ozon, du couple de cinéastes Ducastel/Martineau. On le sent, encore une fois, par bribes, par moments furtifs, par une mise en scène qui, par les voies de la déconstruction, respire le vrai cinéma.

Un moment de fiction à l’intérieur d’un essai documentaire.

Tous les participants que Bethel auditionne dans le but de trouver « la personne idéale » ne constituent après tout que l’un des principes de base du cinéma et de sa mise en chantier.

En somme, le film de Bethel est un miroir sans tain derrière lequel se cache un cinéaste en devenir, timide malgré les apparences, ou faisant semblant de l’être, conscient de ses actions, follement amoureux du cinéma et de la caméra. Un cinéaste qui nous déconcerte, nous désoriente intentionnellement. Mais c’est ainsi que s’affirme les vrais faiseurs d’images en mouvement.

À environ la 67e minute, on assiste à un plan magnifique, diaphane, organique, un très gros plan de ce qui ressemble à un centre du corps en pleine respiration. Une ondulation qui montre que le cinéma est un art furieusement pictural. Un chiffre : 1 878. Je ne dévoile rien car l’exercice critique est aussi une mise en scène qui n’étale pas toujours ses attraits.

Et puis l’amant mexicain, qu’on ne verra jamais, sauf le deviner par images interposées, à la dérobée : une main, une cuisine de restaurant, une prise de photo mal ajustée, du fast-food. Enfin… le néant. Mais aussi en prêtant attention aux mots en voix off de Bethel. Cet homme venu de loin a quarante ans de plus que lui. Le cinéma se double ici d’une mission bouleversante : simuler la vie.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Isidore Bethel

Scénario
Isidore Bethel
Francis Leplay

Direction photo
Ryan Saunders

Montage
Francis Leplay

Musique
Pièces diverses
& la chanson Si je mens d’Alain Bashung,
interprétée par Rosemary Standley

Genre(s)
Essai documentaire

Origine(s)
France
États-Unis

Année : 2021 – Durée : 1 h 11 min

Langue(s)
V.o. : anglais / s-t.f.
[ Actes d’amour ]

Dist. [ Contact ] @
[ Outplay Films / Paris, France ]

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 16 ans

Diffusion @
RIDM 2021

Mardi 16 novembre – 12 h 15
@ Cinémathèque québécoise
En ligne
du 18 au 21 novembre 2021

 

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]