Adieu Monsieur Haffmann
[ SCÈNE ]
CRITIQUE.
★★★★
texte
Élie Castiel
La mise en scène aboutie de Denise Filiatrault, toujours aussi assurée, inventive, un brin classique et si intelligemment contrôlée est ici tenue sur un mince fil raide qu’elle manipule à sa guise, instinctivement, sans s’en rendre compte.
Un sujet toujours en or, des personnages conquis par le paradoxe de leurs contradictions. Pour la metteure en scène, des situations comme si ce temps récent de pandémie loufoque lui avait donné une assurance encore plus maîtrisée, de peur qu’un petite erreur fasse chavirer cette fragile embarcation peuplée de personnages, du moins ordinaires, dans des situations extraordinaires.
Car l’écrit de Jean-Philippe Daguerre, metteur en scène de classiques français, plonge ici dans la mémoire pérenne de l’Histoire. Comme c’est le cas avec la Guerre d’Algérie, la collaboration des années 40 dans l’Hexagone ne cessent de questionner, même ne filigrane, une certaine génération.
Mais Filiatrault connaît parfaitement le public auquel elle s’adresse. Leurs moments d’émotion, leurs affinités collectives en termes de spectacles dramatiques. D’où cet objet qu’on appelle « mise en scène » transformé ici en de très brèves saynètes que le fondu en noir, presque cinématographique, sert d’outil de transition. En fait, il s’agirait là d’un album de famille mi-figue, mi-raisin, selon les circonstances, qu’on feuillette avec tous les souvenirs qui s’installent dans notre mémoire. Avec des moments de pause pour réfléchir à ce que l’on vient de voir.
Le mari, la femme et le pourvoyeur
Costumes bien appropriés de Pierre-Guy Lapointe assurant la crédibilité d’une époque où la civilisation semble s’être arrêtée. La souffrance n’exclut pas l’élégance et la sobriété. En harmonie avec la mise en situation d’une metteure en scène légendaire qui croit fermement à l’art dramatique.
Ariel Ifergan, personnage principal dans ce récit-piège. Très bon comédien. Farouchement québécois, mais dans le même temps manifestant un certain respect pour ses origines autres avec une distanciation souhaitée. C’est important de le dire car c’est ainsi que doit se manifester la présence de la diversité dans le théâtre québécois : une intégration confortable, acceptée et plus que tout, empreinte d’une assimilation dénuée de toute atteinte aux racines. En Amérique, chez nos voisins du Sud, dans le reste du Canada, notamment en Ontario, ça se passe ainsi depuis de nombreuses années, pour ne pas dire, toujours. Au théâtre comme au cinéma.
Et c’est peut-être cette magnifique « Femme assise » du peintre Matisse qui, en fin de compte, attend, elle aussi, que le temps passe pour que la haine disparaisse à jamais. Les tableaux de peintres sont souvent la métaphore de notre existence. Sauf que…
Julie Daoust, Roger La Rue, Renaud Paradis et Linda Sorgini complètent avec doigté et conviction ce beau tableau où l’humour ne cesse de se manifester malgré les horreurs du temps. Ces tableaux pillés aux Juifs par les Nazis est un thème d’arrière-fond dans Adieu Monsieur Haffmann, titre d’autant plus significatif, notamment dans sa formule de salutation, « Adieu ». Un départ discret, mais quasi assuré vers des jours meilleurs, mais non garantis.
Et c’est peut-être cette magnifique « Femme assise » du peintre Matisse qui, en fin de compte, attend, elle aussi, que le temps passe pour que la haine disparaisse à jamais. Les tableaux de peintres sont souvent la métaphore de notre existence. Sauf que…
FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Texte
Jean-Philippe Daguerre
Mise en scène
Denise Filiatrault
Assistance à la Mise en scène
Nadia Bélanger
Décors
Jean Bard
Costumes
Pierre-Guy Lapointe
Éclairages
Alexandre Pilon-Guay
Accessoires
Pierre-Luc Boudreau
Maquillages
Florence Cornet
Coiffures & Perruques
Rachel Tremblay
Musique
Guillaume St-Laurent
Production
Théâtre du Rideau Vert
Durée
1 h 20 min
[ Sans entracte ]
Salle @
Théâtre du Rideau Vert
Jusqu’au 16 octobre 2021
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]