Alfred Hitchcock, Salvador Dalí et « Spellbound »

POUR VOTRE AGRÉMENT

MISE EN CONTEXTE.

Texte
Luc Chaput

Rencontre au sommet

     Dans l’exposition Divina Dalí au Grand Quai du Vieux-Port de Montréal, une salle présente à côté des illustrations du grand maître Catalan pour le texte fondateur de Dante, une grande toile de ce peintre intitulée Cloud, employée comme toile de fond dans une des séquences de rêve de Spellbound (La Maison du docteur Edwardes) d’Alfred Hitchcock. Le peintre espagnol, en exil aux États-Unis et devenu rapidement célèbre, est tout d’abord inclus dans le projet du film pour raisons publicitaires par le producteur David O. Selznick. Hitchcock est enchanté et a de nombreuses rencontres à Los Angeles avec Salvador qui propose plusieurs esquisses.

     Le cinéaste veut tout d’abord tourner la séquence du rêve en extérieurs dans des décors de Dali. Les résultats ne satisfont pas le producteur et un studio est employé pour les autres épisodes. Une toile aux multiples yeux conçue par Salvador sert d’introduction et devient le décor d’un cabaret où les joueurs de carte sont assis sur des chaises aux jambes de femme aussi dessinées par Dalí. Puis un homme muni d’un énorme ciseau coupe la toile des yeux en diagonale, version plus posée de la scène iconique du Chien andalou.

Aucune explication n’est nécessaire.

     D’autres symboles surréalistes comme l’homme à la tête enveloppée dans la gaze blanche prennent alors le relais dans la séquence de l’immeuble. On reconnaît la patte du peintre dans la toile de fond à gauche de la chute d’un homme puis le fameux nuage à droite surplombant un toit en pente sur laquelle glisse une roue déformée. La séquence, proposée par Dalí, de la docteure Constance Petersen jouée par Ingrid Bergman transformée en statue grecque et attaquée par des fourmis est en partie tournée puis rejetée.

     Le réalisateur et le peintre ayant quitté Hollywood pour d’autres obligations, Selznick réaffirme son contrôle en amenant le directeur artistique William Cameron Menzies à retravailler les séquences oniriques qui s’intègrent finalement très bien dans ce film où la psychanalyse est un moteur essentiel. La rencontre de Dalí avec le système hollywoodien ne donna donc pas à son égard les résultats escomptés puisque son projet avec Walt Disney du dessin animé Destino en 1946 ne fut finalement complété à l’initiative de Roy, le neveu de Walt qu’en 2003 par le réalisateur français Dominique Monféry.

Le texte d’Élie Castiel sur l’exposition Divina Dalí paraît ici.