Divina Dalí

ÉVÈNEMENT.
[ Exposition ]

★★★★

texte
Élie Castiel

L’apothéose

de la représentation

            Une présentation « de presse » remarquable, chacun des trois participants mesurant les mots, s’en tenant à l’essentiel et présentant les maîtres dont il est question, Dante Alighieri et Salvador Dalí dans un espace complice comme si les siècles qui les séparent n’existaient plus. Cette intemporalité se transmet dans les trois différents niveaux qui occupent cette brillante exposition : L’enfer, le purgatoire et le paradis, la trilogie composant Divine comédie (Divina Commedia), parcours selon une tradition chrétienne qui, pour la circonstance place l’œuvre dalienne dans une sorte d’allocution permanente sur notre humanité. Pourquoi cette consécration dédiée aux dessins du grand peintre espagnol? Parce que l’ensemble des œuvres choisies reflètent tout ce que l’artiste retient de Dante, de son œuvre-culte. Ce a quoi nous assistons réveillent en nous quelque chose que nous avons peut-être perdu : la conscience de l’art, l’importance dans nos vies, son apport dans la réunification du monde.

            Trois étapes de l’aventure humaine, de notre existence sur terre et dans l’au-delà. Un guide de notre quotidienneté, dramatisée, parfois, pour ne pas dire souvent, tragique, dans les deux premières étapes, l’enfer et le purgatoire, et le discours messianique que représente le paradis. Un happy-end qui nous console de l’incontournable finitude.

Ces dessins parmi ceux exposés.

            En ce qui a trait à l’exposition elle-même, on passe d’un espace à l’autre, en quelques minutes, mais force est de souligner le besoin de se recueillir sur chaque dessin et essayer de comprendre ce qui se cache derrière ces figures de style, les choix chromatiques, ici tous d’une clarté rayonnante, suscitant l’intérêt de l’œil. Le regard est suspendu pendant la durée de notre visite. On découvre, pour ceux et celles qui ne le connaissent pas, un artiste dans toute sa splendeur créative. Mais dans le même temps, si l’on retient ce que nous savons déjà de lui, une certaine distanciation entre son travail et le spectateur. C’est voulu, car cette frontière doit exister, non pas par dédain du spectateur, mais par souci pédagogique et notamment ce besoin d’élévation. L’idée n’est pas la séduction, essayer d’épater, mais avant tout de comprendre un travail unique, universellement louangé. Sans compter sur la personnalité de l’Homme en question. Hurluberlu non pas à ses heures, mais continuellement. Une façon comme une autre d’affranchir son individualité.

En ce qui a trait à l’exposition elle-même, on passe d’un espace à l’autre, en quelques minutes, mais force est de souligner le besoin de se recueillir sur chaque dessin et essayer de comprendre ce qui se cache derrière ces figures de style, les choix chromatiques, ici tous d’une clarté rayonnante, suscitant l’intérêt de l’œil. Le regard est suspendu pendant la durée de notre visite.

            Le sexe est présent. Il est caché et parfois, à y voir de près, explicite. Le phallus et le vagin extériorisent leurs activités, même si les personnages sont montrés sur un ton surréaliste. Le Christ, la Vierge ne sont pas épargnés, mais on aurait tort de clamer haut et fort qu’ils sont réduits à une simple caricature. Sans les vénérer, Dalí leur octroie une puissance divine, mystique, voire même métaphysique, les plaçant hors d’un contexte confessionnel. Pour son temps, c’est inadmissible. Avec le passage du temps, transgressif.

            L’imaginaire de l’artiste est totalement continu. Il ne cesse de se réinventer d’un croquis à l’autre. Il y a même du Michelangelo dans ses dessins. Vous le découvrirez. D’autres influences sans doute également. Et Dante dans tout cela? Ces ébauches, si on peut les appeler ainsi, représentent l’œuvre ultime du poète, essayiste et homme politique italien. La grécité à sa place chez Alighieri et Dalí se fait un devoir de l’inclure dans sa précieuse analyse picturale, car c’est de cela qu’il s’agit dans un sens. Les mythes, les croyances, montrant jusqu’à quel point l’Antique et l’Actuel se confondent dans une sorte d’arrêt du temps.

Dalí et Bergman sur le plateau de tournage de Spellbound.
Que représente cette statue sans tête?
@ Photofest

     L’important pour le spectateur d’aujourd’hui, c’est de s’immiscer dans cet univers, de prendre tout le temps qu’il faut pour essayer de saisir la signification de ces magnifiques mouvements du pinceau, ces couleurs attirantes, la portée sociale, politique et artistique de chaque œuvre. Et surtout la complicité qu’elles toutes partagent avec Dante. Un travail intellectuel en fait. Et pourquoi pas? Par les temps qui courent, ça ne peut être que plus valorisant pour notre âme et notre conscient.

       Parmi les nombreux dessins, tous d’une remarquable précision, on retiendra, Mohamed, Les sodomites, Les hérétiques… ou encore L’âge d’or, La divine forêt… et pour « Le paradis », Dante, Le chant des esprits sages, Le jardin du Christ et L’archange Gabriel… Tout dépend de votre sensibilité à l’égard de chaque œuvre.

     Divina Dalí ou le triomphe de la représentation. Un véritable antidote à la pandémie.

Salvador Dalí a collaboré sur plusieurs films à Hollywood. Luc Chaput propose une mise en contexte sur la célèbre scène du rêve dans le film Spellbound (La maison du Dr Edwardes), d’Alfred Hitchcock. Voir son texte ici.

Divina Dalí
Du 16 juillet au 31 octobre 2021
Informations

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