Providencia
@ Aux Écuries

 

[ SCÈNE ]

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★

Les règles

de

l’impromptu

Une distribution presqu’entièrement composée de comédiens d’Amérique latine. Les langues parlées : le français, la langue d’accueil, l’anglais, celle du pays dans sa globalité et l’espagnol, celle des origines, pour ne pas l’oublier, pour savoir d’où l’on vient. Une question d’éthique.

Message politique? Simple choix des créateurs? En tout cas, le message est clair et lancé à ceux et celles qui continuent avec tous ces débats sur l’avenir de la langue. Une chose est claire, et ça transperce tout le long de Providencia, encore une fois, titre espagnol qui revendique sa particularité ethnique et, par défaut, comédie dramatique où les sentiments les plus opposés ne cessent de se répercuter tout au long de ce sitcom à la fois émotif et drolatique, amusant, cocasse.

Pour la trame narrative : réunion de famille lors des funérailles, à Boston, de la grand-tante d’Adriana, celle par qui tout arrive, ce qui explique son côté sérieux. Et comme l’évènement a lieu deux jours avant le 80e anniversaire de la défunte, pourquoi ne pas déjouer les tours du destin? Le reste, on ne vous dira rien comme certains s’emploient à le faire.

Une dignité dans le geste et le regard.

La mise en scène de Marie Farsi affiche tout haut son côté populaire, tentant de ménager la chèvre et le chou pour laisser libre cours aux protagonistes d’établir leurs propres sensations. Et ils, surtout elles, ne reculent devant rien pour extérioriser leurs sentiments.

Bien entendu, tout cela est directement lié au texte bien senti de Mariane Tayler, très bonne observatrice de la dynamique latino-américaine, de surcroît, ici, la colombienne – d’où ces inside jokes et jeux de mots bien particuliers.

La mise en scène de Marie Farsi affiche tout haut son côté populaire, tentant de ménager la chèvre et le chou pour laisser libre cours aux protagonistes d’établir leurs propres sensations. Et ils, surtout elles, ne reculent devant rien pour extérioriser leurs sentiments.

Et on boit, on bouffe, beaucoup, sauf… Et comme toute bonne famille qui se respecte, un cousin gai (Oscar ou Oscarito, selon qui le nomme) qui en met trop – seul défaut (non pas le comédien, lui, très investi, mais le personnage). Le rendre masculin, comme la grande majorité des gais, aurait fait passer le message de tolérance encore plus fortement. Mais bon, les caricatures sont encore à l’ordre du jour à ce qu’il paraît.

Mais dans ce brouhaha de rires, de larmes, de pas de danses, d’une ou deux chansons brièvement entonnées, un regard tendre, savoureux et réaliste sur l’immigration en sol nord-américain (États-Unis et Canada) : la dispersion des familles qui transforme leur dynamique, leur regard sur le monde, sur la vie, sur leur dépendance, sur soi-même. Sans qu’elles s’en rendent compte, mais lorsque les rituels de vie et de mort viennent arracher le quotidien, les origines refont surface. Tel comme il se doit.

FICHE ARTISTIQUE
PROVIDENCIA

Comédie dramatique

Texte
Mariane Tayler

Mise en scène
Marie Farsi

Assistance à la mise en scène
Catherine Alpin

Interprètes
Emmanuelle Lussier Martinez, Luz Tercero

Leo Argüello, Ximena Ferrer

Jorge Martinez Colorado, Mariane Tayler
Braulio Elicer, Patricia Robles

Décor
Nadine Jafaar
Éclairages
Renaud Pettigrew

Musique
Roberto Lopez

Durée
1 h 30 min

[ Sans entracte ]

Auditoire (suggéré)
Tout public
[ Déconseillé aux jeunes enfants ]

Diffusion & Billets @
Aux Écuries
Jusqu’au 30 septembre 2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Corps et confettis, un cabaret de la Fratrie
@ La Chapelle | Scènes Contemporaines

| ART DE LA
  S C È N E |

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★ ½

 

Corps

       sans

               voiles

Sont-elles « contemporaines », ces scènes de La Chapelle? Sans entrer dans des détails sémantiques plutôt barbants, on pourrait les considérer comme « alternatives » car se détachant du classicisme des autres espaces de création qui, qu’on le veuille ou non, s’ajustent progressivement à une certaine contemporanéité.

Mais à La Chapelle, on a droit à l’excellent, le très bon, le bon et le moins bon en matière de résultats, car il s’agit du sanctuaire de création le plus démocratique de la métropole.

Dans le cas de La Fratrie, la bien-nommée, une correspondance incroyable parmi les créateurs et créatrices de ce cabaret qui joue constamment avec les époques, même si la scénographie d’Anne-Sera Gendron, évoquant l’époque glorieuse des cabarets, la décennie 1950 et la première moitié des années 1960, demeure intacte au court du spectacle.

Respect de la durée : 65 minutes car dans les présentations de ce type, dépasser les 90 minutes, c’est déjà affolant pour l’auditoire. Mais un petit miracle se produit lorsque les créateurs comptent surtout sur la qualité des numéros.

Un sens inné du spectacle.
Crédit : Daniel Huot

Chansons, pirouettes, exhibitions, numéros non-binaires puisque La Fratrie propose une création LGBTQ+, plus proche de l’ère du temps. Surtout aussi pour afficher sans complexe la différence et plus que tout, le droit de cité et de reconnaissance, notion si contestée dans plusieurs endroits du monde.

Corps et Confettis, c’est de cela que se nourrissent les spectacles de ce genre, offrant au corps une certaine débauche salutaire, un je-m’en-foutisme jouissif dans les gestes et les comportements. Et soudain, comme si le temps s’était arrêté, offrir une ou deux chansons romantiques pour adoucir l’atmosphère.
Ce va-et-vient entre le charme et le déchaînement garantit un spectacle total et chez l’auditoire, une sorte d’excitation qui se manifeste par des réactions spontanées.

C’est gai, lesbien, bisexuel… LGBTQ+, camp, bien entendu, et d’une totale liberté. Qu’importe si la qualité de certaines prestations laisse un peu à désirer; du coup, le prochain numéro s’installe et promet des sensations qui sortent de l’ordinaire.

S’adresser directement
en prenant ses distances.
Crédit : Daniel Huot

Et puis, lorsqu’on est prêt à aborder des thèmes comme le beau et le laid, l’attirant et son contraire, l’amour et la déception, bref, tous ces sentiments humains de plus en plus tenus en laisse de nos jours, le résultat ne peut être que plus convaincant.

Une dizaine de numéros selon la trajectoire des six artistes sur scène. Elles sont belles, ils sont beaux. Les corps sont imparfaits, mais d’où émerge assez de sensualité pour susciter le regard.

Patrick R. Lacharité, maître d’œuvre de cet étrange, splendide cabaret qui défie le temps avec courage et détermination a le temps de rôder ses spectacles. L’enthousiasme et l’acharnement des participant(es) est déjà là.

Et puis, lorsqu’on est prêt à aborder des thèmes comme le beau et le laid, l’attirant et son contraire, l’amour et la déception, bref, tous ces sentiments humains de plus en plus tenus en laisse de nos jours, le résultat ne peut être que plus convaincant.

FICHE ARTISTIQUE
Création
Patrick R. Lacharité

Mise en scène
Patrick R. Lacharité, en

collaboration avec les interprètes
Textes
Natacha Filiatrault, Erika Mathieu

Alex Trahan, Yann Villeneuve
Interprètes
Antonya

Stacey Désilier, Jossua Dufour Collin
Natacha Filiatrault, Erika Mathieu
Alex Trahan, Yann Villeneuve
Chansons
Antoniya
Scénographie
Anne-Sara Gendron

Crédit : Julie Artacho

Conception sonore
Yann Villeneuve

Éclairages
Joelle Leblanc
Production
La Fratrie

Durée
1 h 05 min

[ Sans entracte ]

Auditoire (suggéré)
Adultes

Diffusion & Billets @
La Chapelle | Scènes Contemporaines
Jusqu’au 23 septembre 2023

 

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Courville
@ TNM

 

| SCÈNE |

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★ ½

 

Travellings

      avant

 

D’abord créée à Québec en 2021, Courville, nonobstant les clins d’œil faits à d’autres œuvres de Robert Lepage (mises en scène d’opéras, compris) est sans contredit sa plus intime, là où les souvenirs d’une époque – ce n’est pas par hasard si ça se passe au milieu des années 1970 – se présentent, se concrétisent, s’apitoient de ses faux pas, de ses erreurs, de cette idée qu’on peut se faire du temps, de son avancée vers un nouveau siècle qui traverse déjà les esprits, inconsciemment sans doute, mais bercé de promesses, d’un futur plus harmonieux et d’autres idées farfelues.

Les années 1970. Turbulences sociales et politiques, sexualité débridée qui se conjugue à tous les temps, mais ne s’accorde pas nécessairement avec tous les sujets, crise dans l’institution de la famille, un Québec qui explose en se débarrassant de l’hégémonie cléricale, partis politiques en plein combat d’idéaux discordants. Bien sûr, l’avenir de la langue française, comme jamais auparavant. Revendications linguistiques à l’intérieur même de la langue officielle, le français.

Spirituellement, dans les esprits, Québec n’est pas une « province », mais un « pays » à part entière. Ce qui fait changer les modes, les comportements, la musique qu’on écoute (sans toutefois nier les groupes anglais de l’heure), et Nicole Martin pour une certaine frange de la population (qu’on écoutera maintes fois dans ces radios-meubles vintage qui doivent coûter une petite fortune de nos jours), la radicalisation des idéaux, la droite qui ne sait plus où elle est, nostalgique d’une époque de soumission, la gauche qui se confirme à tous les niveaux. Et pourquoi pas, comme dans tous les pays occidentaux, la mode.

Un univers foncièrement conceptuel.
Crédit : Yves Renaud

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