PRIMEUR @ 11
Sortie
Ven 13 mars 2020
SUCCINCTEMENT
Plus d’un quart de siècle après la fin du conflit au Liban, les tensions sont toujours latentes dans la capitale, Beyrouth, où la réalisatrice suit deux femmes d’une même génération que tout oppose.
CRITIQUE
texte
Élie Castiel
★★★★
Il y a d’abord un titre porteur, un océan qui sépare malgré les apparences, notamment pour ceux et celles surtout qui ont connu la Guerre du Liban, au milieu des années 1970. La mémoire, le souvenir prend ici des élans de nostalgie, notamment dans le cas de Wafaa, la chrétienne qui a combattu lors du conflit – ne montre-t-elle pas à son fils comment manipuler un fusil, alors qu’il ne s’intéresse aucunement? Et puis Hayat, la musulmane, toujours active pour les droits auxquels elle croit.
La défection des idéologies
Deux rescapées de l’Enfer libanais que les hommes, paradoxalement, du moins si l’on en juge par le film de Marlene Edoyan, veulent oublier pour passer à autre chose. La paix semble apaiser les âmes de ce peuple jadis, dans les années 1960, multiconfessionnel (Musulmans, Chrétiens et, il ne faut pas l’oublier, également Juifs). La guerre ne fait pas seulement des victimes, des martyrs, mais également des blessé(es) de l’âme, du souvenir.
La nostalgie que porte en elle Wafaa n’est-elle pas après tout le souvenir d’une jeunesse passée, alors que tout était de la sphère des possibles? Plus terre-à-terre, Hayat est pour le dialogue islamo-chrétien malgré les divisions qui existent à Beyrouth, centre névralgique du pays.
Farouchement ancrée dans la religion, comme signe identitaire plus que tout, la blonde Wafaa rêve d’un pays Chrétien. Hayat, elle, neutralise le propos, et dans cette magnifique séquences où des femmes, dont certaines de Syrie, discutent de cette époque trouble, les démons du passé ont laissé la place au discours, au débat, aux échanges d’idées, cet espace intellectuel où les idéologies néfastes n’ont plus de terrain.
Si la fin des convictions se transforme en éloquente messagère de paix et de cohabitation, La mer entre nous s’en fait le garant par le biais des personnages que le film présente.
Avec La mer entre nous, Marlene Edoyan propose un essai politico-social d’une valeur inestimable, sincère, subtile, proche de l’individu et de son accoutumé.
La mise en scène d’Edoyan respire le ton libre, l’humanité transcendante, la vitalité des habitants d’une ville qui vit chaque moment en dépit de tout, qui vibre au rythme des rues et des intérieurs d’un pays qui ne cesse de se reconstruire. Le souvenir amène son lot de douleurs, de souffrances et de sanglots, mais la réalisatrice filme le quotidien avec une force d’adaptation remarquable, constat confirmé par la brillante direction photo d’Alexandre Lampron, habitué du documentaire.
Plus de 25 ans après la fin du conflit au Liban, les traces de ces années de plomb soulèvent l’épineuse question des idéologies. À toutes fins utiles, ne seraient-elles pas porteuses de conflits dont on aurait pu très bien s’en passer ?
Avec La mer entre nous, Marlene Edoyan propose un essai politico-social d’une valeur inestimable, sincère, subtile, proche de l’individu et de son accoutumé.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Marlene Edoyan
Genre(s)
Documentaire
Origine(s)
Canada
Année : 2019 – Durée : 1 h 42 min
Langue(s)
V.o. : arabe; s.-t.a. ou s.-t.f.
The Sea Between Us
Dist. @
Multi-Monde
Classement
Tous publics
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]