Chambre 212

PRIMEUR
Sortie
Vendredi 07 août 2020

SUCCINCTEMENT
Après 20 ans de mariage, Maria décide de quitter le domicile conjugal. Et cette nuit-là, à la suite d’une petite querelle avec son mari, elle part s’installer dans la chambre 212 de l’hôtel d’en face.

FILM
de la semaine.

texte
Élie Castiel

★★★

Étrange parcours que celui de Christophe Honoré, apparemment, selon l’avis de certains de nos experts, voisins du Sud, est vu comme un cinéaste homosexuel… « Vous êtes un artiste queer. » C’est ce que lui disent, enthousiastes, des universitaires américains programmant une rétrospective de ses films. » Ce à quoi il répond « Ils m’ont collé cette étiquette censée tout résumer ! » et bien plus, l’homme de cinéma, à peine quinquagénaire conclut, dans un sourire : « Si c’est vrai, alors je suis un queer lamentable. Je ne suis pas un représentant de la communauté et suis mauvais dans le militantisme. Sauf lorsque j’ai défilé pour contrer la Manif pour tous. Si j’étais hétéro, je ne me marierais pas, et pas plus en tant qu’homo. Mais oui à l’égalité des droits. »

Confidences sur l’oreiller

Fin du préambule, important pour situer la condition psychique, une condition quasi sine qua non d’une grande partie des cinéastes français gais qui filment cette orientation sexuelle ; c’est-à-dire à l’hétérosexuel. Contrairement aux rares cas comme le couple Olivier Ducastel/Jacques Martineau – dont on n’oubliera pas leur magnifique Théo et Hugo dans le même bateau (2016). Mais bon, arrêtons de nous plaindre. Pour le film en question ici, c’est autre chose.

Chambre 212 ou l’envie irrécupérable de filmer, de se jeter corps et âme dans un processus de création cinématographique, nostalgiquement et immensément, illustré par la présence physique et, selon le plan, reproduite amoureusement en studio, du 7 Parnassiens, lieu mythique qui existe encore, ce complexe cinématographique parisien où œuvres de répertoire se côtoient en toute amitié, sans réserve, sans prérequis. Lieu où le couple en rupture de Chambre 212 a élu domicile dans un des étages au-dessus. Comme si le cinéma les poursuivait toute leur existence. Dans la vraie vie, ils s’abandonnent au plaisir des mots, petits accrochages sans importance et un discours philo-intello-post-moderniste sur les rapports, non pas essentiellement entre les hommes et les femmes, mais entre les individus (du grec, anthropos, pour ne pas différencier entre homme et femme – pour homme, c’est andras ; pour femme, c’est gynéka). Ce n’est sans doute pas le meilleur d’Honoré. Il nous a récemment séduit avec le doucereusement et gaiement amoureux Plaire, aimer et courir vite (2018).

Ici, il est surtout question de mise en scène, là où les référents cinéphiliques renvoient à des maîtres incontestés – Hitchcock pour La ventana indiscreta / Rear Window, titre intentionnellement choisi dans sa version espagnole qui veut dire « la fenêtre indiscrète », plus proche de cette Chambre 212 fictionnalisé, juste en face de la chambre du couple en rupture sexuelle (et amoureuse) et où les récits amoureux du cinéma au rez-de-chaussée défilent sur grand écran.

Comme quoi Chambre 212 demeure un film sur le cinéma avant tout, une excursion dans un univers intime, celui du cinéaste, et peu importe son orientation sexuelle. Il filme, ici, l’hétéronormativité (tiens, un nouveau mot dans le vocabulaire dans la notion de genre) avec un soin apporté à la litote cinématographique, à la nuance, cette fausse modestie qu’affectionne nos cousins dans tous les domaines de la vie sociale, affective et politique. Film aussi sur le discours, le débat des idées et l’émotion se cherche à l’occasion des petits passages pour s’exprimer.

Et comme couronnement, l’incontournable Chiara Mastroianni, facialement plus proche de Marcello, son géniteur. Avec la douceur, la distanciation et l’irréparable envie de vivre de Catherine Deneuve, sa génitrice, sa ténacité photo-ciné-génique…

Et Chambre 212 finit avec quasiment le même plan d’ouverture. Au début, le Charles Aznavour que nous avons toujours aimé se mêle en voix off de la partie montrant une Maria/Mastroianni resplendissante – À la fin, le plan du visage de cette même Mastroianni se fige, légèrement fixé sur la gauche, exprimant sans aucun doute l’idée que Paris, le Paris urbain de ces lieux du tournage, est un immense espace de rencontres de tous les possibles. Merde ! C’est quand même émouvant.

Et comme couronnement, l’incontournable Chiara Mastroianni, facialement plus proche de Marcello, son géniteur. Avec la douceur, la distanciation et l’irréparable envie de vivre de Catherine Deneuve, sa génitrice, sa ténacité photo-ciné-génique ; également, la tendresse ordinaire de Benjamin Biolay, bouleversant, et du plus en plus présent Vincent Lacoste, un mélange séduisant de cynisme angélique et de sarcasme involontaire, par jeunesse, sans méchanceté ou arrière- pensées.

Sensuellement envoûtant.

 

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Christophe Honoré

Genre(s)
Comédie dramatique

Origine(s)
France

Année : 2019 – Durée : 1 h 27 min

Langue(s)
V.o. : français ; s.-t.a.

On a Magical Night

Dist. @
[ Cinéma du Parc ]
@ Strand Releasing

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 13 ans

En salle(s) @
Cinéma du Musée

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]