Chimerica
@ Duceppe
CRITIQUE
S C È N E
Élie Castiel
★★★
Si Tian’anmen
m’était contée
Avril 1989, à Beijing. Il est debout, tenant un sac dans chacune des mains, se dressant devant la colonne de chars qui, quasiment, barrent les rues principales de la capitale. L’image de la scène est prise par des reporters-cadreurs et des reporters-photographes perchés sur un balcon de l’hôtel Beijing. Le cliché emblématique est celui de Jeff Widener de l’Associated Press. Dans le récit de la Britannique Lucy Kirkwood, le photojournaliste se nomme Joe Schofield, captant ce moment, devenu un des plus importants de l’Histoire de la Chine du XXe siècle.
Qui était-il? Qu’est-il devenu? C’est la question que tout le monde se pose. De cet homme, devenu « tank man », on ne verra jamais son visage.
Le texte de Lucy Kirkwood construit une histoire où l’enquête menée pour découvrir l’identité du personnage se transforme en une investigation sur les responsabilités des états, sur celle individuelle, sur les dangers du journalisme d’enquête, sur les compromis qu’il faut faire, les loyautés qui changent de camp. Mais toujours, malgré tout, conservant une touche d’humanité pour que le « système social » ne s’effondre.
La traduction de Maryse Warda, très habituée à saisir l’idiome québécois en toute fidélité, peut paraître ici comme une sorte de gageure. Une version en français international, dans ce cas, aurait était plus crédible. D’autant plus que les comédiens/comédiennes chinois s’expriment dans un français convenable. Disparité des sons en tout cas. Effectivement, l’idiome québécois a totalement sa place dans le théâtre d’ici, mais là où il faut; et les occasions ne manquent pas.
Il y a tout d’abord le décor multifonctionnel et très bien structuré de Loïc Lacroix Hoy. Une panoplie d’objets, de panneaux, configurations et autres varia qui permettent d’établir les différentes époques. Sur ce point, Chimerica est courageusement réussi.
Idem pour l’interprétation d’ensemble où il serait injuste de signaler des cas uniques. Aucun reproche à faire, même si dans certains cas, on pousse un peu la note.
La recherche vidéo travaillée de Robin Kittel-Ouimet est surprenante, évocatrice des moments forts de ce récit fondateur. Dont cette image du tank man, un rebelle anonyme qui traverse et continuera de traverser les époques. Un moment coi de lucidité et de résistance.
La mise en scène de Charles Dauphinais se déploie en deux parties, ici, bien distinctes ; d’une part, la première, plutôt brouillonne, désorientée, s’en allant de part et d’autre sans véritable but, dans des dialogues qui nous semblent affectés, inutiles, sauf dans de rares brefs moments de pure émotion.
La deuxième, par contre, reprend son souffle, se préoccupe des enjeux proposés et offre une brillante aventure de mise en scène qui utilise le décor et les textes comme un ensemble de correspondances sur la politique.
D’où on retient, le combat de domination, encore actuel, entre l’Empire du milieu et l’Amérique. La recherche vidéo travaillée de Robin Kittel-Ouimet est surprenante, évocatrice des moments forts de ce récit fondateur. Dont cette image du tank man, un rebelle anonyme qui traverse et continuera de traverser les époques. Un moment coi de lucidité et de résistance.
de Lucy Kirkwood
Traduction
Maryse Warda
Mise en scène
Charles Dauphinais
Assistance à la mise en scène
Lou Arteau
Interprètes
Shiong-En Chan, Alexandre Goyette
Yuu Ki, Tania Kontoyanni
Albert Kwan, Derek Kwan
Marie-Laurence Moreau, Li Li
Philippe Racine, Manuel Tadros
Marie-Hélène Thibeault, Annie Yao
Scénographie
Loïc Lacroix Hoy
Éclairages
Marie-Aube St-Amand Duplessis
Costumes
Jessica Poirier-Chang
Conception vidéo
Robin Kittel-Ouimet
Musique
lefutur
Son
lefutur
Langue(s)
français et mandarin; s.-t.f.
Production
DUCEPPE
Durée
2 h 55 min
[ Incluant entracte ]
Diffusion & Billets @
Duceppe
Jusqu’au 17 février 2024
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]