Cinemania 2020 [ÉC-02]
MANIFESTATION
[ Festival de films francophones
sous-titrés en anglais ]
Oui, effectivement, LGBT, sans l’affiliation Q en plus car les quatre films programmés dans la sélection de cette année reflétaient une époque pré-queer. Pour ma part, appellation péjorative puisqu’en français, queer veut dire étrange, bizarre – mot revendiqué par une partie de la communauté gaie, particulièrement académique, issue des campus américains et mimé dans le Canada anglais dans le but d’affirmer la différence, et plus que tout, se situer transgressivement dans la mouvance sociale. Dans un sens, confronter en forme de lutte l’establishment, plutôt que de l’amadouer. Mais bon, tout ça, c’est une autre histoire. Pour ma part, je m’en tiens à la vraie définition du mot queer et préfère ne pas adhérer à cette fausse mainmise politico-sociale.
Deux (The Two of Us), premier long métrage de fiction de Filippo Meneghetti, permet à ce réalisateur d’entrer par la grande porte. Deux comédiennes remarquables, Barbara Sukowa et Martine Chevallier. Une promesse de tous les instants aussi, Muriel Bénazéraf, du casting dans Une intime conviction (2018) d’Antoine Raimbault et, ici, d’une diablerie extraordinaire. Une comédienne à surveiller de près. Un thème principal, l’homosexualité féminine. Comment la vivre, l’assumer, la consommer, la situer dans une société encore, malgré les avancées, conservatrice. Car dans ce débat, les amours homosexuelles sont, dans la plupart des pays (occidentaux) légales et acceptées dans le papier, mais que se cache dans les mots qu’on murmure à l’intérieur des chaumières, en privé. Et le film est simplement un bijou de mise en scène sobre, subtile, d’une émotion palpable, celle des mots, des silences et des choses qui traversent notre esprit.
La caméra d’Aurélien Marra (plusieurs courts) filme l’intime, l’extroverti, épousant aussi des choix chromatiques et d’ambiance ouvrant sur le brun. Comme s’il fallait cacher des choses aux yeux du monde. Et un drame qui finit par… Meneghetti suggère plus qu’il ne montre même si la continuité du récit est on ne peut plus linéaire. Un dialogue amoureux des mots, des suggestions palpables, des non-dits qui veulent tout dire, texte écrit par Meneghetti et Malysome Bovorasmy, avec la collaboration de Florence Vignon, tous trois complices d’un récit sur la sexualité qu’on finit par assumer, à coups d’hésitations, certes, mais surtout, sans trop faire de bruit, avec délicatesse, en fonçant adroitement les portes de la rectitude, sans rien casser.
Et puis Garçon chiffon (My Best Part) de et avec Nicolas Maury. Un premier long métrage solo où le comédien dans une quarantaine de productions, dont Les envoûtés (2019) de Pascal Bonitzer, se lance à corps perdu dans un projet quasi insensé, par moments dévergondé…
L’orientation sexuelle est beaucoup plus assumée dans le nouveau François Ozon, Été 85 (Summer of 85), de par son titre, sorte de journal intime sur une aventure amoureuse qui culmine sur l’irréversible. C’est ce qui explique un début qui ressemble à une enquête (comme c’est souvent le cas chez Ozon). Que s’est-il vraiment passé? Et puis, la fin, où on apprend bien entendu les relents du récit et on finit par se demander « tout ça pour ça? ». Certes, ce n’est pas du Ozon grand cru, mais on reconnaît ses grands plans fastueux sur les espaces complices, cette façon de filmer les corps masculins, la beauté des gestes et des visages, et les corps qui, sans vraiment s’enlacer, flirtent avec Éros. Il ne s’agit pas d’homoérotisme, mais de vécu gai, ici selon une perspective cinématographique. Il y a David (Benjamin Voisin, oscillant entre la saloperie et les amours sincères); mais il y surtout Alexis (Félix Lefevbre, intègre). Dans l’œuvre d’Ozon, une sorte de pause qui sans doute le conduira vers des projets plus proches de sa démarche intellectuelle. Pas un mot sur le nouveau mal, le SIDA, mais c’était comme ça à l’époque.
De Ruben Alves, Miss est un délice qu’on savoure grâce à l’interprétation extraordinaire d’Alexandre Wetter qui assume sa féminité avec toute la grâce du monde, un sans-gêne communicatif et sans doute, cette habileté à afficher la différence, d’une part sans se poser des questions, de l’autre en la situant dans un nouveau discours social d’inclusion. Et quand Miss France n’est pas vraiment une femme et finit par gagner, c’est finalement le « message » de tolérance du film qui finit par être le personnage principal. Le franco-portugais Alves assume son thème avec une énergie incroyable, écorchant du même coup ce groupe de résistants aux changements sociaux.
Et puis Garçon chiffon (My Best Part) de et avec Nicolas Maury. Un premier long métrage solo où le comédien dans une quarantaine de productions, dont Les envoûtés (2019) de Pascal Bonitzer, se lance à corps perdu dans un projet quasi insensé, par moments dévergondé, une idée de scénario signée Maury, Maude Ameline et Sophie Fillières (quand même, c’est costaud) qui unit allègrement comédie dramatique sociale, enjeux familiaux, sociaux et personnels et plus que tout la liberté de s’enticher d’une mise en scène qui déconstruit les codes traditionnels, par le rythme, l’importance du son, un montage libertaire, et finalement un film qui interroge le jeu dramatique en lui imposant des touches du mime, de l’affect traditionnel et de cette distanciation entre le réel et l’imaginaire qui ne peut être en fin de compte que plus séduisante. Un grand cinéaste et un comédien vachement bon et sympa s’autoproclame grand vainqueur.
Cette fois-ci, CINEMANIA a visé juste. Et pour l’histoire : Jérémie est jaloux. Il est follement amoureux d’Albert qui ne tolère plus ses crises. Jérémie va se consoler chez maman, et plus que tout, tente de trouver sa place dans ce monde inconsolable. Nathalie Baye (la maman de J.), souveraine.
À bientôt, pour d’autres films.
CINEMANIA 2020
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