Des distributeurs apeurés et censeurs
TRIBUNE LIBRE.
texte
Sylvio Le Blanc
L’avant-dernier film de Woody Allen, Un jour de pluie à New York / A Rainy Day in New York (*), est sorti en France, mais pas au Québec. Idem pour le dernier film de Roman Polanski, J’accuse (*) un distributeur assez courageux pour affronter la meute de wokistes ayant été impossible à trouver. Pourtant, tous ceux qui ont vu cet opus sur l’affaire Dreyfus en disent le plus grand bien*. Pour les distributeurs québécois, la vie personnelle des réalisateurs semble davantage importer que le contenu de leurs films.
Un distributeur s’apprête à présenter la comédie française OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire aux Québécois, mais il en a modifié le titre (« délicieusement ringard », selon Le Figaro) pour OSS 117 : Bons Baisers d’Afrique, singeant de la sorte lourdement Bons Baisers de Russie, un vieux James Bond. Il aura vraisemblablement estimé que les mots « Afrique noire » heurteraient des personnes à la peau sensible. Je parierais que, pour lui, « Afrique noire » est assimilable à « Afrique nègre », ni plus ni moins. Il ne veut surtout pas que des manifestants à la sauce SLAV se pointent devant les cinémas, ce qui découragerait les intéressés de s’acheter une place.
Ce distributeur ne le réalise peut-être pas, mais en s’attaquant au titre original, il s’attaque aux créateurs du film, car nous ne parlons pas ici d’une banale traduction. Je ne me souviens d’ailleurs pas avoir jamais vu chose semblable depuis que je m’intéresse aux films. Cela est peut-être survenu du temps où nos curés censeurs scrutaient à la loupe les films provenant de la France anticléricale, des années 1930 aux années 1960, mais pas durant les dernières décennies.
On se croirait au pays de Donald Trump, où un nouveau puritanisme sévit. Les Québécois doivent résister.
(*) Nos critiques d’Un jour de pluie à New York et de J’accuse [cliquez sur chaque titre]. Nous avons visionné les films en format DVD, disponibles chez Amazon.