Desvío de noche
P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 22 septembre 2023
Une journaliste ressasse les souvenirs de sa plus récente enquête, quelque part sur la côte ouest du Mexique.
Le FILM
de la semaine
CRITIQUE
Élie Castiel
★★★★
Ce qui reste du tout
Un lieu, quelque part perdu sur la côte ouest du Mexique, plus précisément du Oaxaca, où des touristes en mal de vacances inusitées, à la recherche de moments insolites, redonnent un sens à leur existence et où des expatriés et locaux investissent leur temps dans un climat de serein abandon.
Mais aussi espace neutre, vierge, voir même inquiétant, terrain que les deux cinéastes ont choisi pour parler du vide, du néant, mais dans le même temps d’un début du monde, parce que limpide dans sa cruauté et dans le même temps majestuosité, fatras et amalgame de sauvage et de lumineux, où l’éclipse solaire qui se manifeste quand bon lui semble peut attirer l’attention et atténuer les caprices de la nature.
Pour Ariane Falardeau St-Amour et Paul Chotel, une complicité qui a pour principal but de créer une fiction à partir d’une idée, d’une proposition purement cinématographique consistant à filmer le moment, la seconde qui permet qu’on puisse l’observer de près et à l’interroger dans ses aspects les plus abscons. Ce qui explique ces moments magiques où la caméra fixe déploie son insistance plénière sur un plan particulier.
Un titre intentionnellement indiqué en espagnol, comme si le baptiser dans une autre langue serait lui ôter sa composante originelle. Et non pas une prise de position politique.
Peu de dialogue dans ce film, une narration française émise par la voix volontairement monocorde, comme s’il s’agissait d’une incantation, de Marie Brassard. Ce commentaire dit tout, rien. Et surtout se pose la question de savoir « Où est Violeta Martinez? » Point d’ancrage d’une enquête sur une jeune fille du coin devenu patineuse artistique qui se transforme, sans que nous nous rendions compte en un voyage sur une infime partie du monde à travers l’espace et le temps. De cet endroit quasi désert où la modernité est indiqué par sursauts un peu anachroniques (chanteuse dans un cabaret de fortune), surgit alors une propriété privée qui ose sa supériorité et donne à la fiction ce côté mystérieux d’où on pense émergera l’issue de cette enquête.
Et soudain, le sujet du départ se faufile à l’horizon et ouvre la voie à une autre réalité – Abdul et Richie. Qui sont-ils dans cette histoire? Le mouvement cinématographique devient ainsi sa propre investigation. Que filmer dans cet endroit neutre? Par quels truchements tenter de résoudre une énigme?
[ … ] Le médium affiche tout haut sa supériorité, sa démarche dans l’aventure de la vie. Mais plus que tout, sa détermination à filmer le temps, sans nécessairement de façon chronologique. Ce qui reste d’un tout discordant et en même temps rassembleur.
Le cinéma n’est plus un objet de retransmission des images en mouvement, mais un outil photographique qui alimente le mythe. Celui du Mexique, fondateur et illustre qui se perd dans la nuit des temps.
Dans ce sens, Desvío de noche est, justement, un détour vers une terre promise, une sorte de sanctuaire de la création.
Un paysage sauvage, nu, cru, où les quelques habitations et les passages sinueux se confondent. Où tout est danger et apaisement. Où les bruits étranges ne sont que des signes identitaires et non seulement géographiques.
Falardeau St-Amour et Chotel filment des secondes de bonheur illicite, interdit, paisible et inquiétant comme le ferait, à titre d’exemple, un Apichatpong Weerasethakul en pleine création obsessionnelle.
La quête devient alors celle du cinéma tout court. Le médium affiche tout haut sa supériorité, sa démarche dans l’aventure de la vie. Mais plus que tout, sa détermination à filmer le temps, sans nécessairement de façon chronologique. Ce qui reste d’un tout discordant et en même temps rassembleur.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Ariane Falardeau St-Amour
Paul Chotel
Scénario
Ariane Falardeau St-Amour
Paul Chotel
Direction photo
Ariane Falardeau St-Amour
Montage
Paul Chotel
Omar Elhamy
Musique
Gabriel Chwojnik
Genre(s)
Essai
Origine(s)
Canada [Québec]
Année : 2022 – Durée : 1 h 37 min
Langue(s)
V.o. : espagnol, français, s.-t.f. ou s.-t.a.
Détour de nuit
Night Detour
Dist. [ Contact ] @
Les Films du 3 mars
[ Maintenant et plus tard ]
Diffusion @
Cinéma du Musée
Cinémathèque québécoise
Classement
Visa GÉNÉRAL
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]