Different Stars : A Reckoning with Time, Trauma and Circumstance
SUCCINCTEMENT
En quarantaine dû à la COVID-19, un homme gai se souvient de sa première rupture et revoit les fantômes d’un passé pas très lointain, mais qui parfois, traverse les époques.
CRITIQUE.
[ Théâtre musical confiné ]
texte
Élie Castiel
★★★ ½
La traduction simple, facile du mot « Reckoning » en français est « calcul », mais dans le contexte de la création de Karl Saint Lucy, artiste de la scène LGBT new-yorkaise, le terme s’applique à la notion de bilan; justement, faire le compte-rendu d’une vie suite à une peine amoureuse. Comment suivre la mouvance quotidienne sans se faire mal? Comment altérer ses journées pour faire en sorte qu’elles ne deviennent pas des enclaves de souffrance, d’aliénation et de détresse psychologique.
La création semble être le remède à tout. Ils sont deux, Saint Lucy lui-même et James Jackson Jr., accompagnés de deux comédiennes, Victoria Huston-Elem et Danielle Buonaiuto. Tous des artistes de ce qu’on pourrait appeler la nouvelle « movida new-yorkaise LGBT ». Un dénominateur commun à toutes les tendances théâtrales émergentes dans le monde occidental – et New York, comme Montréal ou ailleurs, ne sont pas épargnés – la nouvelle norme est de parler de soi, de faire ressortir ses angoisses, d’inventer des trucs pour finalement se libérer sans l’aide de psychologues à l’ancienne.
Braver la tempête
en temps de crise
En construisant, oui, plutôt que créant, une mise en scène qui réunit des années d’expériences dans le domaine. C’est bien le cas de Different Stars : A Reckoning with Time, Trauma and Circumstance, titre d’autant plus évolutif qu’il remet en question les différents angles du problème en question : comment se retrouver. Certains verront en cela une sorte de nombrilisme. Pas tout à fait faux si l’on observe bien notre époque!
Temps de pandémie oblige, les débats ont lieu en espaces fermés, dans les résidences des artistes. Dans ce vidéo d’une quarantaine de minutes (extraits de l’original, bien plus long), sans doute est-ce ma perception, le condo de James Jackson Jr. sert de lieu de liaison entre les quatre membres d’un étrange ballet à la fois chorégraphié et chanté. Quel beau texte de chanson écrite par Saint Lucy, « Boy… I wanna text you »; est-ce d’ailleurs le véritable titre? Le résultat est bouleversant.
Entre la comédie et la tragédie, entre le port de costumes du quotidien, chez soi, libres, salutaires… et les gros machins comme les parures et chapeaux (ou couronnes) des classiques shakespeariens, des mots qui passent, des regrets, des sentiments qui éclatent au grand jour. Et face à la pandémie, un ras-le-bol qui finit par s’exprimer. Les artistes en question ont vraiment hâte de retrouver la scène et faire face aux spectateurs.
Mais tourné en plan fixe, parfois en gros plans, le spectacle limite la mise en scène; et c’est pour le mieux, car la création devient d’autant plus authentique, naturelle, sans recours aux artifices. Boire un coupe de vin ou peut-être plus et ne pas sen sentir coupable se transforme ainsi en un acte transcendant.
En attendant, le spectacle est troublant, coloré, subversif par moments, bercé d’une LGBTude assumée, libre de ses mouvements, au diapason de son époque. Les quatre comédiens en sont conscients.
Cette angoisse du moment présent est occultée par les visages tantôt sereins, parfois nerveux des protagonistes. Mais le sujet est celui d’une crise individuelle. Point de collectif, seul le nombrilisme compte. À chacun pour soi.
Avec le temps, après que le COVID-19 aura fait son long chemin, quelles seront les nouvelles règles, les codes remis en question de la création? Question indispensable.
En filigrane, sans vraiment le dire, indiciblement pour ne pas trop choquer, Different Stars aborde la question. Et sans doute que la réponse demeure dans ce dernier plan où James Jackson, portant un masque protecteur, nous faisant dos, se dirige à la droite de l’immeuble, en plein jour, vers un inconnu qu’il doit découvrir.
En attendant, le spectacle est troublant, coloré, subversif par moments, bercé d’une LGBTude assumée, libre de ses mouvements, au diapason de son époque. Les quatre comédiens en sont conscients.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Mise en scène
Raquel Cion
Genre
Théâtre musical
Origine(s)
États-Unis
Année : 2020 – Durée : 43 min
Idée
Karl Saint Lucy
d’après les écrits de William Shakespeare
Costumes
David Quinn
Musique & Chansons
Karl Saint Lucy
Diffusion gratuite sur YouTube @
http://www.differentstars.live
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]