Fantasia 2022
… IV
ÉVÉNEMENT.
[ Festival ]
texte
Luc Chaput
Les documentaires
En Europe de l’Est au début des années 90, un quadragénaire américain barbu, mal habillé, arrive à une usine de fabrication de distributeurs individuels en plastique de bonbons Pez. Il est reçu à bras ouverts. Des employés lui donnent même des articles refusés par la direction de la compagnie américaine qui est une entité juridique complètement différente de l’européenne. Revenu aux États-Unis, Steve Glew réussit à passer aux douanes tous ces distributeurs car la compagnie américaine ne s’est pas inscrite dans ce registre de commerce international.
Comme le souligne le titre de la section, les documentaires présentés à Fantasia sont sur des sujets dans la marge ou sont animés d’un esprit différent. The Pez Outlaw du couple Amy Bandlien Storkel and Bryan Storkel narre ainsi l’histoire quasi inconnue et plutôt invraisemblable de ce mécanicien d’usine au Michigan qui trouva sa voie dans l’univers des collectionneurs. Il réussit ainsi pendant un certain temps à subvenir amplement aux besoins de sa famille. La réalisation emploie les artifices du film d’espionnage pour ramener le spectateur dans l’époque de l’après-guerre froide par le biais de reconstitutions habituellement ludiques. Steve Glew a d’ailleurs remporté le prix de l’acteur dans un documentaire au festival SXSW, ce qui est déjà un exploit incongru. L’histoire d’amour entre Steve et Kathy sert de colonne vertébrale à ce portrait d’une communauté de passionnés qui connaissent pour plusieurs leur heure de gloire dans ce long métrage qui ausculte les soubassements de cette activité lucrative pouvant devenir obsessionnelle.
L’approche de Marc Joly-Corcoran pour la communauté québécoise des forts amateurs de la série Star Wars est plus personnelle. La caméra de Que le fan soit avec toi s’immisce dans les intérieurs et assiste à des échanges quelquefois plus durs entre des bénévoles d’organisations rassemblant des personnes de tous âges hier collectionneurs et aujourd’hui également cosplayers participants dans les costumades et les conventions. Le réalisateur capte ainsi, auprès de Malgus, Steeve et Jeff, des moments de joie et de peine qui illustrent la place que cette passion peut prendre dans une existence par ailleurs réglée par les choses de la vie.
Un Britannique découvre, dans les boites de son grand-père décédé, une cassette vidéo titrée A Life on the Farm. Il est étonné, amusé, offusqué ou interloqué par les moments de vie qu’il voit. Charles Carson, un agriculteur les a enregistrés avec sa caméra-vidéo en se mettant de plus en scène dans les années 1990 dans un petit village du Somerset dans l’ouest de l’Angleterre. Oscar Harding réussit à contacter des anciens voisins de Carson, un collègue au collège agricole où il enseigna et d’autres personnes ressource. Un aperçu plutôt fourni de cette existence hier anonyme dans laquelle les travaux et les jours, les maladies des parents et du conjoint sont ainsi archivées avec une immédiateté désarmante pour être diffusés à peu d’exemplaires., Des épisodes d’humour noir et des séquences excentriques montrent également la valeur de ces bandes qui dépassent l‘exégèse que certains intervenants veulent bien lui attribuer. Cet OFNI devient donc en plus un testament visuel de la vie dans ces contrées plus excentrées.
Voilà quelques-uns de ces documentaires qui, de belle manière, donnaient voix au chapitre à d’autres personnes passionnées. Un conflit d’horaire m’a empêché de voir Lynch/Oz d’Alexandre O. Philippe qui, peut-on supposer, connaîtra une diffusion en salle ou en ligne ultérieurement.