France

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 05 novembre 2021

SUCCINCTEMENT.
Portrait d’une femme, journaliste à la télévision, d’un pays, la France, et d’un système, celui des médias.

Coup de ❤️
de la semaine.

CRITIQUE.

★★★★ ½

texte
Élie Castiel

   Présenté au dernier Festival de Cannes, France a déçu une partie de la critique, rejetant la faute sur le réalisateur d’avoir trop mis en cause les médias. Mais cette froideur n’est-elle pas également due à ce que France demeure son film le plus accessible, pouvant intéresser un large public? Mais c’est en quelque sorte ce qui fait son originalité ; ici, aucune nécessité de ces pérégrinations narratives ou joutes visuelles comme dans La vie de Jésus ou encore Flandres, deux magnifiques exemples d’ascèse cinématographique, proche du rituel mystique, tous les deux magnifiquement  structurés et conceptualisés ; au contraire, France est un film linéaire ; un dialogue directe, tranchant, assassin, et surtout, un tournage à Paris, loin des autres territoires français autrefois investis.

Il y a de la redite dans France, des redondances un peu désordonnées, mais c’est voulu ainsi. Répéter les mêmes erreurs, verser des larmes aux bons moments, se surpasser avec un égocentrisme sans pareil. Mais en même temps s’apercevoir que la principale protagoniste travaille dans un milieu où tous les tours sont joués, tout est question de maquillage, de survie pour les plus forts, et pas nécessairement les plus talentueux.

Pour Bruno Dumont, un risque des plus aventureux. Se mesurer au mainstream avec audace, ténacité et la crainte de se voir bouffer par la critique professionnellement établie et sur laquelle on peut compter. Dans sa mise en scène, le cinéaste pèche parfois par excès de prudence, mais du coup, il reprend le contrôle pour mieux gouverner le bateau, l’empêchant de couler.

La société du spectacle par

le bout médian de la lorgnette

Se positionner dans toutes les zones de combat.

France est une journaliste télé hors-pair. Elle va filmer les guerres djihadistes au Moyen-Orient et les traversées périlleuses des migrants en mer Méditerranée. Lorsqu’elle verse des larmes au milieu de ces déracinés de la Terre, les plus jeunes, les enfants, la regardent d’un œil interrogateur.

Et pourtant, Dumont présente cette femme remarquable avec ses faiblesse, ses défauts, ses failles, son courage, sa détermination, son engouement pour le vedettariat . On la reconnaît lorsqu’elle marche dans Paris, on lui demande des selfies. Tout le tralala d’usage. Dumont ne craint pas de glisser dans ces clichés d’usage.

Ce qui commence par une satire d’un milieu particulier, devient une histoire d’adultère qui semblera hors-sujet, mais devient après coup, essentielle au récit. Et c’est aussi la critique d’un certain public, majoritaire, celui qui suit les programmes télé, y compris les émissions politiques, comme des spectacles qui, certes, il faut prendre au sérieux, mais ne sont après tout, du moins à leurs yeux, que de purs moments de divertissement engagé.

Le Guy Debord de La société du spectacle s’invite dans ce film à la fois périlleux, oscillant entre divers pôles d’attraction ; d’une part pointer du doigt une institution sociale frôlant de façon très proche le politique ; de l’autre, remettant en question le manque d’empathie d’un certain public, un public qui ne pardonne rien.

France, prénom du personnage principal, mais aussi nom du pays dont il est question. Une France victime d’un libéralisme féroce, d’un décrochage citoyen face aux institutions et plus que tout, de la puissance effrénée du Quatrième pouvoir, nid parfois impitoyable de tous les paradoxes.

Pour rendre tout cela plausible, Dumont compte sur la présence d’une grande actrice, intègre, jouant la carte de la caricature et soudain, comme par enchantement, celle de la raison. La raison qui entraîne ainsi vers la rédemption, là où le cinéaste a recours à la notion de la morale. Non, ce n’est pas un film manichéen, mais il s’inscrit dans un discours actuel où tout ce qui se rapproche de l’éthique est souvent repoussé. On le vit quotidiennement sans vraiment s’apercevoir de quoi il est question.

Seydoux joue ces registres avec un enthousiasme d’actrice, des échanges d’effets miroir éclatants, une gouaille nécessaire entre la faculté de rire et celle de se positionner.

France, prénom du personnage principal, mais aussi nom du pays dont il est question. Une France victime d’un libéralisme féroce, d’un décrochage citoyen face aux institutions et plus que tout, de la puissance effrénée du Quatrième pouvoir, nid parfois impitoyable de tous les paradoxes.

Bruno Dumont mérite tous les honneurs. Rien de moins.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Bruno Dumont

Scénario
Bruno Dumont

Direction photo
David Chambille

Montage
Nicolas Bier

Musique
Christophe

Bruno Dumont

Genre(s)
Satire politique

Origine(s)
France / Italie

Allemagne / Belgique

Année : 2020 – Durée : 2 h 13 min

Langue(s)
V.o. : français
France

Dist. [ Contact ]
K-Films Amérique

Classement
Visa Général

Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cineplex

[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]