Gros gars

CRITIQUE.
[ Scène ]

★★★★

 

Et la tendresse?

    Bordel…

Il est si imposant (pas de jeu de mots) sur scène que le public acquiesce à cette prise de parole autoproclamée haut et fort dans toutes ses formes. Fidèle à la postmodernité de la dramaturgie québécoise qui n’ose pas encore dire son nom, Sophie Cadieux n’agit comme metteure en scène qu’en « cas où ».

texte
Élie Castiel

Puisque l’espace et totalement conquis par le principal intéressé, un Mathieu Gosselin qui n’a nullement peur des faux pas (littéralement parlant), des petites maladresses exercées au passage, par-ci, par-là, au hasard des situations. Une sorte d’harmonie complice avec les spectateurs de la salle intime du Prospero, conquis d’avance.

Pour une raison bien simple : aujourd’hui, on tient à s’identifier au(x)  personnage(s) dont il est question. Gosselin adhère à cette demande du public même si en cours de route, il ne s’empêchera pas de clamer à tout vent quelque chose comme « la fin de la fiction ». Déclaration d’autant plus cruelle d’une société occidentale obsédée par le retour obsessionnel sur soi. La dictature de l’égocentrisme.

Mais la fiction des jours de gloire, qui, dans un sens, n’a pas totalement disparue, mais observe en quelque sorte un calme inquiétant, est remplacée par ce désir ingrat de l’effet-miroir, entre la scène et le public, qui opère comme moyen thérapeutique à toutes sortes de hantises et d’inquiétudes qui nous guettent.

Se donner à la scène sans compromis.
Crédit : David Ospina

Mathieu, véritable gars « d’à-côté », avec qui on veut prendre une bière sans hésitation, parler de sport, de filles, de super-héros, de pièces de collection et d’autres afféteries, auteur du texte original, ne conçoit pas son spectacle dans un certain ordre. L’ordre dans les idées, ça ne tient plus la route. Il passe d’un sujet à l’autre pour bouleverser l’agencement des choses. Aujourd’hui, c’est d’même.

Il est francophone et tient mordicus à le rester, mais éprouve quand même un certain attachement à la culture anglophone pop d’un Québec, quoi qu’on en dise, radicalement nord-américain. Geste politique? Paroles progressives de quelqu’un qui voit la vérité en face?

Qu’importe la réponse, ce roi du stand-up version-QC révèle son registre aussi diversifié que spontané. Ses raps font sensation, ses joutes poétiques au vocabulaire aussi étrangement féroce que tendrement humaniste et déconstruit invitent soudainement à la réflexion.

… à maintes reprises, la bedaine de Gosselin est offerte aux yeux des spectateurs. Le comédien ne s’inquiète guère. Il en est conscient. Et comme pris d’une certaine tendresse qui émane du cœur plus que de l’esprit, trop épris de son écriture espiègle, délirante, bouleversante parfois, auto psychanalytique, il finit son show sans vraiment le faire. Nous jubilons.

Dans la salle minuscule, sorte de grand salon d’un appartement privé, le public féminin réagit plus vite et se prononce. Les hommes, eux, prouvent que ce que Mathieu dit sur lui (et sur eux) n’est pas tout à fait faux. Aucune réaction pourtant (ça se retient à l’intérieur de soi).

Jeux de mots, matchs de petites obsessions, des changements de T-Shirts selon le sujet dont il est question. On aime les Beatles et même Ron Jeremy « porn star extraordinaire » des jours de gloire de la porno hétéro chez nos voisins du sud – Dans la salle, il semble que personne ne le connaît. Mais bon, c’est pas si grave que ça.

Par ailleurs, à maintes reprises, la bedaine de Gosselin est offerte aux yeux des spectateurs. Le comédien ne s’inquiète guère. Il en est conscient. Et comme pris d’une certaine tendresse qui émane du cœur plus que de l’esprit, trop épris de son écriture espiègle, délirante, bouleversante parfois, auto psychanalytique, il finit son show sans vraiment le faire. Nous jubilons.

ÉQUIPE DE CRÉATION
Création
Mathieu Gosselin

Mise en scène
Sophie Cadieux

Interprète
Mathieu Gosselin

Mathieu Gosselin.
Une prédisposition à extérioriser la pensée.
Crédit : David Ospina

Régie
Joëlle Leblanc

Delphine Rochefort-Boulanger

Décor
Julie Vallée-Léger

Costumes
Francis-William Rhéaume

Éclairages
Leticia Hamaoui

Musique
Frédéric Auger

Production
La Banquette arrière

 

Durée
1 h 10
[ Sans entracte ]

Diffusion & Billets
@ Prospero
(Salle intime)
Jusqu’au 18 février 2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]