La complicité des fjords

| Roman |

RECENSION
Élie Castiel

★★★★

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Déjà, en couverture, l’image de Marie-Hélène Racine et la maquette de Francesco Gualdi investissent la proposition de Victor Bégin. Un graphisme mélangeant verticalité et horizontalité, osant symboliquement défier les codes de la syntaxe traditionnelle et dans le même temps, cette plume radicale, subversive, libre, sans concessions et pourtant, par moments, empreinte d’une émotion soutenue. Victor Bégin signe un premier roman expressif à l’intérieur même de sa distanciation intentionnelle. Un roman nordique dans sa tenue et son expression.

Les études en littérature, en cinéma et en photographie du principal intéressé font de La complicité des fjords une aventure tenant autant du voyage initiatique que de la découverte de l’ailleurs, là où on reconnaît les signes du cinéma qui semblent si chers à l’auteur. Un voyage aussi dans le domaine des nouvelles écritures. Le français d’ici côtoie avec agilité celui international, sans complexe. Bégin se soumet quant à lui aux exigences de sa plume.

Un premier roman où l’auteur se donne entièrement, obéissant à l’abandon des idées. La ponctuation, intentionnellement et allègrement, invente ses propres règles, c’est-à-dire qu’elle est souvent absente, pour ainsi saisir cette continuité, à la fois thérapeutique et d’une authenticité souveraine indéniable. Comme s’il s’agissait de plans-séquences.

Mais la force de Bégin, la vingtaine ou jeune trentaine, accorde à l’Islande, un pays rêvé, ce côté sanctuaire en réaction à la rupture d’avec son amant et meilleur ami complice, Jacob, mais avec qui les relations sont houleuses (sic), d’où la tendance de l’auteur de transformer cet odyssée dans un pays mal connu en un voyage à travers sa propre identité et celle d’un pays, le Québec.

Un territoire national qui l’obsède autant qu’il le soumet à de multiples interrogations. Une quête nationale en quelque sorte.

Reykjavik deviendra tout au long du roman, Baie-des-Fumées, traduction en français du nom de la capitale islandaise. Pour les habitants, une sorte de reconnaissance de l’état volcanique de l’endroit. Pour l’auteur, une façon d’être ici et ailleurs. Confondre les identités territoriales, se fondre en elles.

Dans cet ailleurs, véritable île comme plusieurs de ses semblables, et peu peuplé, il fera la rencontre d’Ásgeir, son amant passager, qui ne l’empêchera néanmoins d’aller voir ailleurs; les rapports charnels ne semblent pas si importants que cela, seules comptent ce qu’on peu saisir et surtout sentir à travers les expériences vécues dans cette quête spirituelle.

Et pourtant, également physique, ne rejetant pas la sensualité évasive qu’on peut avoir de ce coin de terre, très propice aux secousses sismiques. Au moment d’écrire ces lignes, on apprend celles des derniers jours. Notre perception du roman prend alors toute une autre tournure.

Reykjavik deviendra tout au long du roman, Baie-des-Fumées, traduction en français du nom de la capitale islandaise. Pour les habitants, une sorte de reconnaissance de l’état volcanique de l’endroit. Pour l’auteur, une façon d’être ici et ailleurs. Confondre les identités territoriales, se fondre en elles. Une, concrètement; l’autre à travers les soubresauts d’un esprit qui ne cesse d’illustrer ce qu’il sent ou ce qu’il voit, trouvant en cela une sorte de rituel cinématographique ou photographique puisque, par moments, l’esprit de Bégin s’évade dans des poses fixes, sans mouvement, presque chorégraphiques.

À travers les mots, on peut reconnaître ce qui est en couleur et de l’autre côté en noir et blanc. C’est bien par le biais de la prose poétique qu’il y parvient. Une plume à suivre.

Victor Bégin
La complicité des fjords
Montréal : Tête première, 2023
ISBN : 978-2-9250-3583-1
216 pages
[ Sans illustrations ]
Prix suggéré : 25,95 $

ÉTOILES FILANTES
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½ [ Entre-deux-cotes ]