La nuit des rois
CRITIQUE.
[ Scène ]
★ ★ ★ ★
texte
Élie Castiel
Et
si
Shakespeare
était
une
femme
Ouverture de la saison 2022-2023 avec le grand
William, l’incontournable Shakespeare. Mode
ludique où comédie, chansons, suspense,
orchestre anachronique de trois musiciens qui,
le temps de quelques répliques, ou du moins
deux d’entre eux, affichent leur savoir-faire en
interprétation.
Happening version-2020, bien que pour se mettre au diapason des règles de l’art, l’équipe de création fait tout pour épater la galerie. Gageure réussie sur tous les plans. Le but est atteint, l’équipe jubile, les spectateurs en parleront pendant longtemps.
Et qui a dit que Shakespeare n’avait pas le sens de l’humour. Et lorsqu’il est traduit dans la langue de Molière, et pour être plus juste, par la Québécoise Rébecca Deraspe, en version « français international », ne serait-ce pas un petit clin d’œil sur l’état du français dans notre beau coin de pays?. Quoi qu’il en soit, Deraspe échappe aux caprices de la langue de départ avec un sens inné de la répartie. L’œuvre se fait sienne, bien que respectant les mesures de l’auteur original.
À la coadaptation et à la mise en scène, Frédéric Bélanger. Parfait. C’est sincère. Rythme, cadence, passage d’une scène à l’autre maîtrisé avec une obsession pour les allées et venues, aussi intenses que parfois, pour quelques secondes, bercées par le goût du dramatique. Et puis, comme si de rien n’était retour à la case départ : la comédie.
Amours ambigües et, époque oblige, une tribune libre sur la notion du genre, toujours d’actualité malgré les régimes montant de droite un peu partout. Homme, Femme et les Autres, ou entre les deux. Le théâtre (et bien encore, la danse moderne) contrairement au cinéma, ose s’aventure dans ce terrain glissant. Et c’est dans l’approche, ce refus catégorique de prêchi-prêcha que cette version de La nuit des rois – ou Ce que vous voudrait / Twelfth Night Or, What you Will, par respect pour l’auteur original) emballe, change positivement les mentalités et plus que tout, s’assure de donner aux personnages féminins une visibilité accrue. Elles sont plus fortes parce qu’elles utilisent autant leur raison que leurs émotions.
Décors qui s’appuient sur deux aires d’espace d’interprétation, sur la gauche une sorte d’immense appareillage qui ressemble à un orgue d’église et qui, le temps venu, enclave sournoisement les personnages par qui le scandale bien ludique arrive.
Bien entendu, les interprètes. Toutes et toutes magnifiquement atteints d’une douce et perceptible folie. Mais c’est le cas chez tout spectatrice ou spectateur normalement constitué(e), certains, sans dénigrer les autres, loin de là, nous atteignent considérablement.
Happening version-2020, bien que pour se mettre au diapason des règles de l’art, l’équipe de création fait tout pour épater la galerie. Gageure réussie sur tous les plans. Le but est atteint, l’équipe jubile, les spectateurs en parleront pendant longtemps.
Je vote catégoriquement pour Kathleen Fortin (Maria). Elle s’impose dans l’espace dramatique avec un charme entre la douceur du moment et le complotisme délicat. Grande gagnante, du moins en ce qui me concerne, de la soirée. Yves Jacques, dont la réputation n’est plus à faire (encore un cliché de ma part) a eu droit à deux ou trois forts applaudissements. Ses tractations faciales sur les difficultés du sourire demeurent un moment d’anthologie théâtrale.
Et pourquoi pas Benoît McGinnis (Feste) – que l’on a hâte de voir dans Hedgwig et le pouce en folie (janvier 2023) – qui tout en laissant aux autres le soin de s’exprimer allègrement, explose, divertie, s’impose comme l’un des plus beaux spécimens dramatiques de sa génération.
Finalement Olivia, campée par une Marie-Pier Labrecque dont la tenue et le voile porté sur son visage en font une comédienne inspirée par les codes de la tragédie et ceux de la comédie. Entre les deux, nulle frontière. Les hommes cherchent les cœurs libres, les femmes dominent leurs passions.
Quant au déroulement du récit, aucun détail, préférant vous faire découvrir les hauts et les bas d’un récit follement amoureux.
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
William Shakespeare
Twelfth Night Or, What you Will
Adaptation / Traduction
Rébecca Deraspe
Mise en scène (et coadaptation)
Frédéric Bélanger
Assistance à la mise en scène
(et Régie)
Marie-Hélène Dufort
Interprètes
Adrien Bletton (Valentin), Guido Del Fabbro (Curio)
Thomas Derasp-Verge (Sébastien)
Alex Desmarais (Antonio), Kathleen Fortin (Maria)
Yves Jacques (Malvolio), Marie-Pier Labrecque (Olivia)
Benoît McGinnis (Feste, Jean-Philippe Perras (Orsino)
Étienne Pilon (Sir Toby Belch), François-Simon Poirier
(Sir Andrew Aguecheek), Clara Prévost (Viola)
Décors
Francis Farley-Lemieux
Éclairages
Nicolas Descoteaux
Costumes
Sarah Balleux
Vidéo
Thomas Payette (Mirari Studio)
Musique
Gustafson Par
Adrien Bletton
Jean-Philippe Perras
Production
TNM
En collaboration avec le
Théâtre Advienne que Pourra
Durée
2 h 05 min
[ Sans entracte ]
Diffusion @
TNM
Jusqu’au 15 octobre 2022
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]