Les courts aux Oscars 2021 [ 02 ]
PRIMEUR
Sortie
Vendredi 02 avril 2021
@ Cinéma du Parc
[ ANIMATION ]
texte
Luc Chaput
Cette année, plus encore qu’à l’habitude, un large éventail de styles et de sujets est représenté dans la sélection officielle des courts métrages d’animation. Cela est dû en partie à la pléthore de festivals petits et grands où l’on retrouve une section dédiée à ce type de films en plus de ceux qui, comme Annecy, font de l’animation sous ses différentes formes le sujet de tout leur intérêt. La prolifération des moyens numériques de diffusion et des chaînes télévisées a aussi entraîné une augmentation évidente de la demande.
Le grand écart
Chez Pixar, une section nommée Sparkshorts suscite des projets des employés et après approbation, leur fournit les moyens techniques et en personnel de mener à bien ce court. Rendant graphiquement un hommage aux dessins des livres pour enfants dans lesquels une histoire est détaillée par le biais de savoureuses illustrations, la scénariste et réalisatrice Madeline Sharafian amène dans Burrow un jeune lapin dans l’aventure de création dans un terrier d’un logis à son image. Le petit animal, dont le projet a une frustre allure, va de découvertes en rebondissements dans une avalanche de gags où se dévoile une conciergerie souterraine. L’anthropomorphisme est de presque tous les plans et les animaux de diverses grandeurs et configurations font preuve d’une belle solidarité dans ce court propulsé par des extraits-variations sur la musique de Mozart d’ailleurs remercié avec le prénom de Wolfie (petit loup) dans le générique final. (★★★)
De l’Islande, une autre conciergerie dans un hiver que nous connaissons également. Dans une production visuelle où les personnages prennent vie dans des appartements distincts, trois familles vaquent à leurs occupations journalières. Le seul mot entendu est Já (oui), égrené dans de multiples variations d’approbation ou de nature sarcastique et qui font même effet quelquefois dans les logements voisins. Le réalisateur Gísli Darri Halldórsson croque ainsi amicalement dans Yes-People (Já-Fólkið) ses compatriotes en animation numérique en volume et rend ainsi indirectement hommage à ses grands-parents cités en fin de parcours. (★★★)
Le cinéaste coréen vivant aux États-Unis Eric Oh se lança, il y a environ trois ans, dans une entreprise folle, faire vivre sur pellicule une structure dans laquelle de nombreux individus anonymes ont de multiples et diverses occupations. Une trentaine de ses collègues se proposent de l’appuyer techniquement et artistiquement dans ce projet et ce pendant leurs temps libres. Le résultat final est Opera qui évoque la tour de Babel et autres lieux où le gigantisme rend la perception de toutes ses composantes et des liens entre elles encore plus ardue. Certaines des opérations illustrées sont si minuscules qu’elles incitent le spectateur à se concentrer sur celle-ci au détriment de l’ensemble qui se poursuit dans un cycle répétitif. Cette œuvre, pointilliste par certains aspects, devrait donc susciter l’engouement de certains qui voudront continuer sur diverses plateformes cette introduction à un univers. (★★★ ½)
Dans des dessins d’un noir et blanc très épurés, un couple vit un deuil dans une maison. Ces deux adultes ont de la difficulté à communiquer et des ombres les accompagnent. Des aquarelles constituent alors les arrière-plans de ces rapports maintenant difficiles entre ces deux parents. Les ombres prennent différentes formes pour incarner des symboles de leurs états d’âme mais aussi des déclencheurs de souvenirs. L’animation, si simple en apparence mais picturalement riche, fruit du travail de direction de la responsable Youngran Nho, amplifie le scénario des coréalisateurs Will McCormack et Michael Govier dans une ode à la parentalité quotidienne avec ses joies et ses peines qu’un instant dévastateur peut transformer. Lancé sur Netflix à l’automne, If Anything Happens I Love You, ce petit bijou est un des concurrents les plus sérieux à la statuette. (★★★★)
Dans Genius Loci, Reine, une jeune femme noire, malgré ses obligations familiales, décide de sortir dans les rues de son quartier où des rencontres et des expériences sont sources de mutations étonnantes. Le réalisateur français Adrien Mérigeau, à partir de ce canevas pourtant simple qu’il a rédigé avec Nicolas Pleskof, multiplie les plans désarçonnants et des jets de couleurs sur le papier avec la complicité du directeur artistique belge Brecht Evens pour dévoiler un portrait fragmenté de ce génie du lieu (sens du titre) que le spectateur reconstruira selon son bon vouloir. (★★★★)
En complément de programme puisque ces cinq finalistes durent moins d’une heure, trois autres films de la courte liste originale ont été rajoutés. La coproduction britanno-allemande The Snail and the Whale de Daniel Snaddon et Max Lang nous fait accompagner dans un long voyage au tour du monde un escargot sur le dos d’une baleine. Les images sous-marines et les diverses étapes de ce périple invraisemblable, dû à l’imagination de l’auteure Julia Donaldson, sont immersives dans cet éloge de l’entraide entre les êtres. Dans des couleurs vives muées dans un beau rythme, To: Gerard de l’Américain Taylor Meacham nous présente la rencontre fortuite entre un magicien à la retraite et une petite fille délurée. Fruit de la collaboration entre des cinéastes d’animation et des agents culturels hawaïens, Kapaemahu de Dean Hamer, Joe Wilson et Hinaleimoana Wong-Kalu s’inscrit dans la reconquête d’un passé occulté et participe donc, avec Cane Fire d’Anthony Banua-Simon vu à Hot Docs l’an dernier, à la réaffirmation sous plusieurs formes des cultures des peuples autochtones à laquelle l’on assiste surtout dans les trente dernières années. La diversité de ces sujets et traitements de ce programme montre bien la floraison de talents multiples que l’Académie des Oscars a mis cette année en lumière.
POUR LES COURTS-DOCUMENTAIRES & FICTION : Voir ici.