Nederlands Dans Theater

CRITIQUE
danse

texte
Élie Castiel

★★★ ½

Crédit photo @ Rahi Rezvani

 

Un triptyque chorégraphique signé par quatre grands noms de la danse moderne. Crystal Pite, avec The Statement (19 minutes), ouvre grand les portes du théâtre, du mime post-moderne et de la chorégraphie, sans oublier la parole ou peut-être mieux dit sa « parodie » pour nous offrir des moments saccadés de pure magie. C’est le genre de spectacle sur scène qu’apprécie la majorité des spectateurs, sortant de l’ordinaire, offrant une nouvelle voie dramaturgique. La musique d’Owen Bolton, quasi muette, l’est au profit de la parole et du geste. Le corps des deux danseurs et des deux danseuses tournent autour d’une table rectangulaire qui offre son espace vierge à des entreprenants parlant d’un conflit quelque part dans le monde, mais qui nous échappe. Qu’importe, car The Statement est avant tout un morceau de bravoure théâtro-chorégraphique dont la binarité des disciplines artistiques abordées renvoient à un nouveau concept de l’art de la représentation, risquant le tout pour le tout au nom de la liberté de création. Belle proposition.

 Symphonie de l’altérité

Crédit photo @ Rahi Rezvani

Sol León, l’Espagnole, et Paul Lightfoot le Britannique, ont concocté Singulière Odyssée (34 minutes). Disons-le sans ambages : le bémol avec cette jolie pièce conceptuelle est dans le décor, la salle d’attente d’une station de train au style plus ou moins Art décor répartie, scène oblige, sur trois murs de fond, gauche, centre et gauche, occupant tellement l’espace qu’il s’ingère trop dans une chorégraphie dont les gestes et les mouvements sentent trop l’appuyé, une stratégie fort intelligente, mais qui pour les connaisseurs, semble assez évidente. Ces feuilles (d’arbre?) automnales viennent se reposer sur le sol du lieu d’attente, en attendant celles venues du ciel qui surplombent la scène. Chorégraphie et mise en scène se confondent en un rituel quasi sacré où l’une des deux formes de la représentation l’emporte sur l’autre. La musique de Max Richter, fort appropriée, faut-il l’avouer, peut néanmoins, pour certains, paraître trop répétitive. L’effet l’emporte sur le produit.

Il n’est donc pas surprenant que la partition musicale est signée par le chorégraphe lui-même, Hofesh Shechter; occidentale, yiddish, orientale, musique du monde, réconciliatrice, oui, certes, médiatrice, offrant le plus pieusement du monde un message politique des plus évidents.

Et finalement, Vladimir, de l’Israélien Hofesh Shechter; à mon sens, la pièce de résistance de la soirée. Moderne, styliste, irrévérencieux, élégant, se questionnant à chaque moment de la chorégraphie de 30 minutes. Ce qu’on admire chez cet artiste exceptionnel, c’est que tout en respectant soigneusement les codes de la danse moderne occidentale, il n’oublie pas ses racines israéliennes aux tons souvent orientalistes. C’est dans les gestes surtout, où les moments de danse individuelle cèdent volontairement le pas aux rassemblements collectifs, amalgame de danseuses et de danseurs se livrant à une chorégraphie qui ne prétend être que ce qu’elle est; c’est-à-dire un mélange de passion, de désir, de sensualité libérée, de tout ce que comporte cette discipline artistique. Le prénom Vladimir est sans doute cela, un être sans sexualité définie, homme ou femme, homme et femme, un idée du monde, de la vie et de la condition humaine qui déploie ses instincts les plus primitifs. Il n’est donc pas surprenant que la partition musicale est signée par le chorégraphe lui-même, Hofesh Shechter; occidentale, yiddish, orientale, musique du monde, réconciliatrice, oui, certes, médiatrice, offrant le plus pieusement du monde un message politique des plus évidents.

Crédit photo @ Rahi Rezvani

ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION

Chorégraphies
Crystal Pite
(The Statement)
Sol León & Paul Lightfoot
(Singulière Odyssée)
Hofesh Shechter
(Vladimir)

Interprètes
Chloé Albaret, Jon Bond, Prince Credell
Lydia Bustinduy, Donnie Duncan Jr., César Faria Fernandes
Surimu Fukishi, Boston Gallacher, Aram Asler
Rinako Iida, Chuck Jones, Madoka Karya
Sebastian Kristensen Haynes, Karen Leiman, Amanda Mortimore
Jorge Nozal, Paxton Roberts, Yukino Takaura,
Luca Tessarini, Fay Van Baar, Roger Van Der Poel
Lea Ved, Jianhui Wang, Meng-ke Wu

Musiques
Owen Belton
(The Statement)
Max Richter
(Singulière Odyssée)
Hofesh Shechter
(Vladimir)

Production
Danse Danse
Durée
2 h 30
(Incluant 2 entractes)
Représentations
 Jusqu’au 14 mars 2020
Théâtre Maisonneuve
(Place des Arts)

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]