RÉSUMÉ SUCCINCT Thug, homme de main de la mafia sur le déclin, met tout en jeu pour reconquérir sa famille dont il est séparé et tente une dernière fois de se racheter en démantelant les opérations d’une organisation criminelle rivale.
RÉSUMÉ SUCCINCT Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d’avocate au service d’un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu’à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s’ouvre à elle.
CRITIQUE Élie Castiel
★★★★ ½
Une femme
nommée « désir »
Après l’émouvant Dheepan et le très abouti The Sisters Brothers, qui méritait un accueil encore plus favorable qu’obtenu, Jacques Audiard plonge à bras-le-corps (et le-cœur) dans la modernité à temps réel, au même temps que demeurant alerte aux principes de l’art de la mise en scène responsable, c’est-à-dire poser un regard investigateur sur divers genres traités au cinéma. Tel un maître qui réapprend les repères de sa profession.
Transgenre, queer, film de genre, comédie dramatique musicale, trafic de narcotiques, liens familiaux, camp, et encore, tout cela dans le fascinant Emilia Pérez, un mélange à l’air du temps où les minorités visibles sexuelles et marginales ne sont guère représentées à l’écran sous un jour démonisant. Et pourquoi pas ?
La mise en scène de Jacques Audiard, totale, rebelle, libre, subversive, décomplexée, se permet toutes sortes d’astuces, de fantaisies ; ses coscénaristes Thomas Bidegain et Léa Mysius, des experts dans le métier, ne lésinent pas dans les mots acerbes et du coup, émouvants de tendresse et d’affection ; l’humour est jaune, le mélodrame impose ses forces et ses faiblesses, les situations qui exaspèrent autant qu’elles nous font jubiler par leur intensité sont monnaie courante.
Une nouvelle interrelation qui pourrait devenir conflictuelle.
Ces moments inoubliables et éloquents permettent à un public fervent d’un certain Almodóvar de se régaler dans certaines séquences clé. Mais plus que tout, le jeune septuagénaire, fils du grand dialoguiste Michel A. n’a jamais paru aussi subversivement candide dans sa proposition. Il salue les nouveaux temps tout en les démolissant, s’assurant que c’est dans les bons endroits.
Il frôle parfois le grand guignolesque, se permet quelques passes de faux-semblants, expose ses grandes héroïnes, chacune d’elles chorégraphiant son propre style. Il les situe face-à-face non pas dans un match compétitif, mais à l’intérieur de champs/contrechamps apte à susciter ce reflexe narratif qui se nomme « qualité des dialogues ».
La caméra les filme avec une attention particulière, parfois les perdant de vue, ne serait-ce que pour nous donner un moment de répit. Et les hommes, bien entendu, présent, brutes et parfois très méchants ; Audiard ne les épargne pas, quitte à les démolir à sa façon.
Un film sombre, ensoleillé aussi, qui unit les paradoxes de ce qu’on raconte à l’écran, ces récits d’amour et d’opportunisme, de règles qu’on ne respecte plus, pour la réussite ou tout autre raison difficile à expliquer. En fait, ne serait-ce que pour la simple raison « d’exister ».
Une chose est certaine. Dans cet univers Audiardien, la normalité telle quelle n’est pas une option. Toutes les extravagances sont permises. Mais à condition que ces changements de vie se déroulent avec grâce et dignité, même si les conséquences peuvent s’avérer dramatiques.
Emilia Pérez est un film charnel, voluptueux, sensuel, érotiquement subversif, respire la sueur dans la peau, s’engage dans des chemins périlleux et raconte une et mille histoires qui, malgré leur complexité, finissent par ouvrir des horizons d’espoir, sans approche ringarde. Lumineuse plutôt face un 21e siècle déstabilisant. Et la partie musicale ne fait que souligner davantage la proposition.
Le prix cannois accordé à l’ensemble des comédiennes a évité le problème du favoritisme, puisqu’elles sont toutes formidables. Rien à dire sur ce plan. La Palme d’or, toujours à Cannes, est allé à Anora, Dans mon cas, j’aurais préféré qu’elle aille à l’Audiard. Pour ce dernier, un OFNI (Objet Filmique Non Identifié) se perdant dans un réalisme déconstruit, comme si du jour au lendemain, il fallait rebâtir le monde.
Une chose est certaine. Dans cet univers Audiardien, la normalité telle quelle n’est pas une option. Toutes les extravagances sont permises. Mais à condition que ces changements de vie se déroulent avec grâce et dignité, même si les conséquences peuvent s’avérer dramatiques.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE Réalisation Jacques Audiard
Scénario : Jacques Audiard, Thomas Bidegain, Nicolas Livecchi; d’après le roman, Écoute, de Boris Razon Direction photo : Paul Guilhaume Montage : Juliette Welfling Musique : Camille Clément Ducol
Genre(s) Drame musical Origine(s) France / Belgique Année : 2024 – Durée : 2 h 12 min Langue(s) V.o. : anglais, espagnol; s.-t.a. / s.-t.f. Emilia Pérez