Solo
P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 15 septembre 2023
Simon, étoile montante de la scène drag queen de Montréal, rencontre Olivier, la nouvelle recrue du bar-spectacle où il se produit. Alors que Simon croit vivre une électrisante histoire d’amour, il s’installe entre eux une dynamique toxique découlant de la personnalité narcissique d’Olivier.
Le FILM
de la semaine
CRITIQUE
Élie Castiel
★★★ ½
Strass
La réalisation de Solo lui tenait à cœur, comme une urgence à combler. Il fallait le tourner coûte que coûte. Non pas par caprice ou simple envie, mais pour soulever une question sociale actuelle. Par où commencer? Par où finir? Ne blâmer personne une fois le tout terminé. Une preuve tangible : elle a elle-même rédiger le scénario.
Ce n’est pas le meilleur des trois films de Sophie Dupuis. On aurait voulu que Solo dépasse Chien de garde et Souterrain, car la jeune cinéaste québécoise possède un sacré talent en ce qui a trait à la structure des images en mouvement, pour ce qu’elles transigent du scénario afin que l’ensemble soit cohérent. Et soyons honnête, parce que dans ce nouvel opus, l’univers des Drag Queens s’officialise de plus en plus dans la sphère sociale, même si souvent à coups de remontrances corsées de la droite silencieuse. Cet univers parallèle mais non pour le moindre spectaculaire a intéressé la jeune cinéaste. Nous l’avons mentionné ci-haut.
Il n’est donc pas surprenant que de très nombreuses séquences se passent sur la scène d’un cabaret et constituent une grande partie de ce troisième film. Après ses deux belles incursions dans le long métrage, notamment Chien de garde, la porte est grand ouverte sur le Montréal nocturne des altérités, des autres variantes de la mouvance sociale.
Sur ce point, on ne peut nier la proposition de la cinéaste, livrée ici à elle-même, à ses fantasmes autour de la question. Comme pièce de résistance, deux drags de nuit et amants de jour, Simon et Olivier. Le premier, Québécois, le second, Français. Le premier, se cherchant une base psychologique solide; le second, aux velléités de plus en plus ambitieuses. Tous les deux conséquents dans leurs rôles respectifs jusqu’à l’épuisement.
Mais Solo, c’est surtout un film sur la mise en scène, lorsqu’on décide de la déconstruire jusqu’à lui imposer un semblant de véracité. Tenter de séduire par tous les moyens. Un arsenal de maquillages, de perruques, de paillettes, de lipsync comme dans tous ces karaokés et boîtes gaies qui se respectent, ces lieux, plus responsables de véracité.
C’est après très mûre réflexion que Solo finit par toucher mes cordes sensibles, pas au point de lui reconnaître des valeurs transcendantes, mais tout de même assez pour convenir du bien-fondé de cette étrange proposition. Effectivement, étrange puisqu’une première dans la lignée du cinéma québécois.
Et du coup, sans prévenir, nous assistons à quelque chose qui nous échappe, qui nous impose une façon autre d’observer, de regarder filer les images. Ce n’est guère par provocation que Dupuis impose son film, mais bien au contraire, pour saisir et « lire » la notion de récit sur une base non-linéaire. La verticalité amorcée lui permet ainsi de créer des espaces de liberté, des propositions qui tantôt s’accrochent, résistent et, du coup, lâchent prise pour que soudain, d’autres démarches se présentent. Il s’agit d’une mise en scène chaotique qui, intentionnellement, se dirige de tous côtés pour goûter à un étrange envoûtement. Comme un rituel nocturne.
Ce va-et-vient entre le monde de la nuit et le privé (plutôt l’intime) est parfois présenté comme si les deux univers étaient parallèles, étroitement liés par cette volonté de dépasser la norme. Tous deux versés dans la marginalité qui, en accord avec la caméra de Dupuis (en fait, celle de Mathieu Laverdière) se normalise le plus sérieusement du monde.
Une autre façon d’exister, d’envisager le monde, de redéfinir le concept de normalité, l’espace familiale et celui de socialisation. Un discours politique dans tout cela, mais dommage qu’il ne soit pas aussi développé. Peut-être un peu, sans mots, mais par gestes, comme dans le cas de la doyenne des Drags (Jean Marchand, impeccable) de ce cabaret, lieu présenté comme un îlot salvateur.
[ … ] Mais en fin de parcours, reprenons toutes ses forces qui semblaient avoir disparu, subtilement, majestueusement, avec une grâce étonnante, Simon/Pellerin, carrément excellent sur toute la ligne, nous offre une finale inoubliable. Cette soudaine conclusion , filmée par Laverdière (Une révision, Le temps d’un été… ) comme un éclair, spontanée, sans nous en avertir, confirme la règle selon laquelle les images en mouvement sont également le reflet illusoire et pourtant si réel de l’instant. En effet, Solo est un film sur l’immédiat. Et c’est peut-être de cela qu’a voulu parler Sophie Dupuis.
Chez le personnage principal, une sorte de descente dans la déchéance psychologique, dans les doutes quant à sa carrière de Drag Q. – on soulignera, pour la forme, qu’il travaille aussi dans le milieu de la mode, ce qui lui confère une aura particulière.
Les rôles secondaires, tous, sauf dans le cas de Simon et Olivier, eux principaux, s’ajustent à un film qui sort des sentiers battus dans la cinématographie québécoise – même si dans certains cas, Dupuis aurait dû être plus sévère dans la direction d’acteurs. Olivier, c’est Félix Maritaud, remarqué dans le subversif 120 battements par minutes. Conséquent dans tous les paradoxes du personnage incarné.
Avec le très prochain Chloé Robichaud, Les jours heureux, et ce nouveau Dupuis, le cinéma LGBTQ québécois, si peu présent dans la fiction, on pourrait même dire, inexistant, annonce une nouvelle phase, plus aventureuse, assumée, conquérante, comme elle aurait dû être il y a bien des années.
D’autre part, dans Solo, on sent chez l’équipe technique, costumiers, maquilleurs, décorateurs et autres accessoiristes utiles dans ce genre de production, un enthousiasme délirant qui se transmet de scène en scène.
Comme toujours dans nos critiques, nous ne dévoilons pas les détails du récit. Mais en fin de parcours, reprenons toutes ses forces qui semblaient avoir disparu, subtilement, majestueusement, avec une grâce étonnante, Simon/Pellerin, carrément excellent sur toute la ligne, nous offre une finale inoubliable. Cette soudaine conclusion , filmée par Laverdière (Une révision, Le temps d’un été… ) comme un éclair, spontanée, sans nous en avertir, confirme la règle selon laquelle les images en mouvement sont également le reflet illusoire et pourtant si réel de l’instant. En effet, Solo est un film sur l’immédiat. Et c’est peut-être de cela qu’a voulu parler Sophie Dupuis.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Sophie Dupuis
Scénario
Sophie Dupuis
Direction photo
Maxime Laverdière
Montage
Marie-Pierre Dupuis
Dominique Fortin
Maxim Rheault
Musique
Charles Lavoie
Genre(s)
Drame romantique
Origine
Canada [Québec]
Année : 2023 – Durée : 1 h 42 min
Langue(s)
V.o. : français; s.-t.a.
Solo
Dist. [ Contact ] @
Axia Films
[ Bravo Charlie ]
Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cineplex
Classement
Visa GÉNÉRAL
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]